jeudi 16 avril 2009

UN NOUVEAU METIER

Il n'est pas anodin de partir si loin et si longtemps, dans des condition si étranges. Les quatre mois et demi passés sur le cargo me semblent s'être déroulés dans un autre espace-temps que celui de la vraie vie. Je reviens comme si je n'étais pas parti, des signes directs ou indirects me disent cependant que ce n'est pas vrai. Direct comme la lecture des journaux : j'y découvre souvent les nouveaux épisodes de quelques histoires dont je n'ai pas connu le début. Indirects comme les saisons : mon esprit s'obstine à préparer l'hiver (penser à rentrer et ranger du bois...) tandis que les arbres jouent les printanniers.
Mais il n'y a dans tout cela ni nostalgie de cette échappée ni regret de l'avoir faite, tournons la page, ni plus ni moins.
D'autant plus que je suis embarqué maintenant dans une nouvelle aventure, celle de la librairie que s'apprête à ouvrir Nicole dans notre bonne ville d'Anduze. C'est plutôt sa bonne ville que la mienne, d'ailleurs, puisqu'elle est née native de Durfort, un village voisin où vécut son ascendance maternelle et où elle a passé une partie de son enfance (avoir été la baby-sitter de l'actuel maire, ça crée forcément des liens !). Pour ce qui me concerne, moi le parisien de racines bourguignonnes, je ne suis cévenol de pure souche que depuis deux ans, ce qui implique normalement une certaine dose de retenue, ou discrétion (voir les synonymes dans vos dictionnaires habituels, ils sont tous valables dans un pareil cas).
Or donc, la librairie qui va s'ouvrir incessamment sous peu requiert mes bons et loyaux services, et j'ai été promu au grade enviable d'homme à tout faire (appelé grouillot dans les métiers de l'imprimerie). Et comme j'ai pris goût à la rédaction d'un blog j'en commence un nouveau puisque celui-ci se termine.
Vous le trouverez à l'adresse suivante : http://lemaridelalibraire.blogspot.com/
Après tout pourquoi se priver, personne n'est obligé de le lire !

vendredi 20 mars 2009

POINT FINAL

Nous avons tourné à l'ouest de la Bretagne pour revenir dans cette Manche que nous avions quittée il y a un peu plus de quatre mois, il est temps de faire le point. C'est un peu comme la fin de l'année scolaire dans un pensionnat, on compte les jours qui restent, après avoir compté les semaines et avant de compter les heures. Mais en même temps on commence à regarder différemment ce qui nous entoure, chacun de ces éléments qui vont disparaitre de notre vie après y avoir tenu tant de place pour un long instant...
Avant de refermer ce blog, dont ce message sera le dernier, il me reste à remercier plusieurs personnes :
- En premier lieu Nicole, ma complice pendant cette longue absence, notamment pour avoir mis en forme et en ligne mes messages. Mon ami Edmond aussi, qui y a contribué.
- Les "gens du livre" qui m'ont offert ce voyage. Qu'ils sachent que j'ai pensé à elles et eux et à leurs beaux métiers chaque fois que j'ai pu voir, hélas trop rarement, une librairie ou une bibliothèque dans les lieux les plus improbables.
- Celles et ceux qui m'ont accompagné par leurs commentaires pertinents ou curieux, ou qui ont réussi à m'envoyer directement des mails. Même les rêves au long cours ont leurs temps d'égarement, et ce fut toujours bien venu de recevoir des billets amicaux sur l'air de "Allo la mer, ici la terre !".
La boucle est bouclée, le monde est bien rond et j'en ai fait le tour. Mais je n'en sais pas plus qu'avant, sinon que les mers sont immenses et que la terre est toujours belle.

Bon vent à vous...

mardi 17 mars 2009

COULEURS PRINTANNIERES

Il faut bien que je donne quelques nouvelles, sinon vous allez croire que notre vieux cargo perclus de rouille a coulé sans bruit quelque part dans une mer obscure, ou bien que nous sommes tous plongés dans une léthargie profonde en attendant l'arrivée... Eh bien, rien de tout cela !
D'abord le bateau n'est plus du tout rouillé, il est au contraire tout pimpant (bon, à condition que l'on ne regarde pas trop dans les coins). Les travaux des cadets, ainsi que du reste de l'équipage depuis qu'il n'y a plus d'escales, ont porté leurs fruits, toute la superstructure a été remise à neuf grâce à des flots de peinture verte, jaune ou blanche. Les passagers y ont aussi mis du leur en s'en collant partout. Malheureusement le white spirit ne fait pas partie de la dotation minimale de la marine marchande de Sa Gracieuse Majesté.
Côté paysages, depuis Suez, ce n'est pas terrible. Quelques profils montagneux se sont laissés voir du côté du Maghreb que nous avons longé à petite, très petite, vitesse. Puis le passage s'est rétréci pour devenir le détroit de Gibraltar. A notre grand regret sa traversée s'est faite en pleine nuit, notre captain préférant de toute évidence l'obscurité pour se glisser subrepticement d'une mer à l'autre. Aurions-nous, à part nos explosifs, quelque chose à cacher ?
Vers minuit le rocher de Gibraltar néanmoins perceptible faisait le gros dos sous la pleine lune, les guirlandes de lumière des villes du Maroc et de l'Espagne se faisaient de l'oeil, l'écran vert du radar montrait les traces dorées des très nombreux bateaux passant dans tous les sens.
Pendant ces quelques jours la méditerranée a pris toutes les nuances de sa riche palette, du gris ardoise des mauvais jours au bleu profond sous le soleil, un beau bleu qui n'appartient qu'à elle (et j'en ai vu, des beaux bleus dans l'eau, croyez-moi !).
Des joyeuses bandes de dauphins sont souvent venus nous escorter.

mercredi 11 mars 2009

LE VENT FROID DU DESERT

Voltaire, revenant d'un voyage en Hollande, disait qu'il n'y avait vu que "des canaux, des canards et des canailles". Pour ce qui me concerne (toute révérence gardée) passons discrètement sur les canailles, nous ne sommes pas encore rentrés à bon port, oublions les canards que l'on voit partout sous des formes diverses, restent les canaux, parlons donc des canaux.
Mon premier était vert, tropical, nocturne, chaud et humide. Mon second fut jaune, désertique, diurne, froid et sec. Oui, froid, seulement une vingtaine de degrés avec un vent coupant, une vraie misère ! Les gros chandails sont réapparus, le mien sentait fort la naphtaline papoue, j'avais eu une invasion de mites des Fidji qu'il m'avait fallu combattre énergiquement en mer de Chine.
Revenons à Suez et son canal : grand ruban bleu courant à l'origine à travers des étendues désertiques, c'est maintenant une voie d'eau qui longe d'immenses banlieues bâties de briques et de broc, encore séparées par des cultures maraichères et des villages avec ânes et chameaux, mais visiblement cela ne devrait pas durer. Sur le versant Sinaï beaucoup moins de constructions, juste du sable et des casernes, énormément de soldats en armes et de véhicules militaires.
Les cargos se suivent en convois, les croisements se font sur des voies séparées, on dirait que ceux d'en face roulent sur le sable plutôt que de voguer sur leur chenal. C'est assez frustrant de n'avoir aucune documentation historico-technique, tout le monde se promet de travailler le sujet au retour, autant en emportera sans doute le vent du désert...
Arrivée en soirée dans les bras de notre mère méditerrannée, aujourd'hui mâratre un peu grognon qui donne de belles moustaches d'écume au cargo quand il pique du nez dans les grosses vagues.
Il nous reste à faire le tour de l'Espagne, du Portugal et de la France avant de débarquer a Hambourg le 23 mars, au 128eme jour de ce long voyage.

jeudi 5 mars 2009

LA MER ROUGE ETAIT VERTE

Nous avons mis près de deux jours à parcourir le "couloir de sécurité" qui longe la côte sud du Yemen. Vitesse maximum pour tous les navires, extinction des feux la nuit et blackout complet des hublots, la doctrine actuelle consiste à essayer de se faire rapide et discret... Pour ce qui nous concerne nous avons été presque constamment escortés par un petit bateau de guerre, ce privilège étant peut-être dû à notre cargaison d'explosifs qu'il ne fallait pas laisser tomber entre n'importe quelles mains. Pendant ces deux jours plusieurs attaques de pirates ont eu lieu dans cette zone pourtant bien surveillée, mais immense. Deux d'entre elles ont réussi, les pirates réussissant à prendre pied a bord. Dès ce moment les forces navales se retirent, une priorité absolue étant donnée à la protection des personnes. Le petit commerce local semble donc encore prometteur, malgré les tentatives de dissuasion.
Nous sommes passés entre Aden et Djibouti (une pensée pour Nizan et Rimbaud) pour entrer dans le golfe de Suez qu'il nous faudra cinq jours pour remonter, nos vieux moteurs ayant repris leur train de sénateur après leur petit sprint. Les côtes sont trop lointaines pour que nous puissions les apercevoir mais nous avons pu voir dans le passage du détroit des îles de pur rocher doré. Sans un cocotier, pour changer.
Tout d'un coup l'écume s'est faite émeraude, l'eau qui nous entourait étant devenue de plus en plus verte du fait de particules fluorescentes très denses. Et la-dessus, cerises locales sur ce gâteau a la pistache, des milliers de grandes méduses blanches, colorées de vert ou de bleu selon leur profondeur.
Depuis que nous nous sommes rapprochés des côtes la mer s'est d'ailleurs bien peuplée. J'ai vu une grosse baleine et son jet d'eau, des bandes de cétacés divers faisant la course, et presque chaque jour des dauphins. Hier, dans la douceur du soir, il y en avait une centaine qui nous ont accompagnés un moment, ils faisaient les clowns en sautant très haut au-dessus de l'eau. Peut-être leur plaisir à nous voir est-il aussi grand que le nôtre à leur égard ?

lundi 2 mars 2009

PIRATES, LE RETOUR

Cette fois-ci c'est plus sérieux. On n'en parle pas dans les journaux parce que cela ne concerne pas grand monde directement, mais il semblerait que les pirates de Somalie aient mis la main, un peu par inadvertance, sur un business très lucratif, à faire pâlir de jalousie tous nos banquiers en mal de fabuleux bénéfices. Ils ont commence petit et par la force de leurs traditions séculaires, un bateau de pêche par-ci, un vieux cargo par-là. Et ils se sont aperçus que les compagnies mondiales ne rechignaient pas trop à payer des rançons car elles ont du mal à trouver et à garder leurs marins, et que leurs cargaisons ont parfois une forte valeur. Les prises devenant de plus en plus grosses, et les rançons itou, les somaliens ont pu s'équiper sérieusement et développer leur petite entreprise sur une plus grande échelle.
Ou en sommes-nous maintenant ? Les attaques se sont multipliées, sans trop de publicité, mais de manière assez conséquente pour qu'une force navale internationale soit présente, et bien visible, dans ces eaux. Mais la zone est vaste et le danger reste réel, au point que le plus grand transporteur maritime mondial a décidé de faire faire désormais à ses navires le tour de l'Afrique par le cap de Bonne-Espérance malgré les importants surcoûts d'une telle mesure.
Pour ce qui nous concerne nous venons d'entamer la traversée de cette zone, cela durera deux jours. Le captain nous a réunis pour nous expliquer tout ce qu'il fallait faire ou ne pas faire au cas où. Il nous a également demande d'être discrets dans nos mails quant aux précautions prises, je ne vous en parlerai donc pas. Mais je peux néanmoins vous dire qu'il n'a pas mis de marin a fumer en permanence auprès des conteneurs d'explosifs, c'est déjà rassurant.

vendredi 27 février 2009

NERVOUSSE BRIQUEDOUNE ?

Nous n'avons pas vu terre depuis huit jours, et n'en verrons pas avant une semaine (péninsule arabique et mer rouge), qui donc avait dit que "Patience et longueur de temps font mieux que force ni que rage " ? De toute façon nous n'avons plus la force, et il vaut mieux éviter la rage, alors...
Prenons les plaisanteries, par exemple. Les plaisanteries à table, je veux dire, celles qui s'adressent à tout le monde puisque tout le monde est là. Au début c'est un peu surprenant d'entendre la même chaque jour à chaque repas, avec les mêmes gestes. On commence par avoir de la complicité, c'est toujours sympathique quand quelqu'un fait le clown pour mettre un peu d'ambiance. Et le comique de répétition est un genre qui a ses exigences. Ce qui n'empêche qu'on va de la compréhension aux réticences et de la révulsion à l'accablement. Mais la préservation de la survie sociale maintient ses impératifs, alors on essaie de s'abstraire ! Je comprends pourtant mieux la règle monastique du silence aux repas.
Lenteur : notre cargo est certainement le plus lent de la flotte mondiale, tous ceux que nous voyons ici ou là nous dépassent tranquillement. Plusieurs fois des tortues ont croisé notre route, comme elles n'allaient pas dans le même sens que nous la comparaison est difficile mais les paris peuvent s'ouvrir. En fait nous sommes en avance sur notre calendrier, aucune raison de brûler plus de mazout que nécessaire, nous ne ramenons pratiquement aucun fret, à part une dizaine de conteneurs d'explosifs que personne d'autre n'a sans doute voulu embarquer, le captain dit qu'il n'a jamais vu cela.
La mer est sale : partout du plastique flotte entre deux eaux, absolument partout.
Bon, allez, on se secoue au lieu de grogner ! Comme dit le proverbe uruburu : "Tu l'as voulu tu l'as eu !"...

mardi 24 février 2009

LIQUIDITES

A force de regarder l'eau de divers océans il m'est venu une idée, mais je ne sais plus laquelle... Heureusement j'avais pris des notes, alors je peux quand même vous en parler. C'est un concept nouveau je crois, en tous cas je n'en n'ai trouve mention nulle part, pas même dans l'excellent livre d'Hugo Verlomme, le "Guide des voyageurs en cargo", indispensable lecture pour quiconque envisage ce type de voyage, mais ne nous égarons pas...
C'est quoi, déjà, ce nouveau concept ? Ah oui, je m'en souviens, c'est celui de "Pensée Liquide". Selon moi, quand on regarde trop d'eau pendant trop longtemps, le contenu du cerveau (qui fonctionne, comme chacun le sait, par imitation) se liquéfie et se répand doucement par les nombreux trous de la base du crâne, trous précisément décrits dans l'ouvrage fondamental d'anatomie de Jules Rouvière en trois forts volumes chez J.B. Baillère, Paris 1892. Tous les nerfs et vaisseaux cérébraux passent par ces trous, alors pourquoi pas la pensée quand elle se liquéfie ? C'est ce qui se produit quand par imbibition la cervelle devient elle-même une petite partie du grand univers liquide dans lequel elle se trouve. Ce qui confirme le théorème d'Archimède selon lequel tout corps fragile plongé dans un liquide pesant quelques milliards de tonnes en ressort écrabouille.
Si cette théorie (laquelle, déjà ? Bon, cela me revient) se vérifiait, cela expliquerait pourquoi les passagers d'un cargo deviennent taciturnes. On croit généralement que c'est parce qu'ils ont acquis une grande sagesse en bourlinguant, en fait c'est parce que leur pensée s'est liquéfiée. S'ils ne parlent pas c'est tout simplement qu'ils n'ont plus rien à dire, derrière leurs yeux délavés il n'y a plus que les fantômes des immenses océans vides et des flots moutonnant à l'infini...
De quoi je voulais vous parler, au fait ? Il faudrait que je retrouve mes notes mais je ne sais plus ou je les ai mises.

dimanche 22 février 2009

PIRATES D'ICI ET D'AILLEURS

Je n'ai pas vu les pirates des Caraïbes (je veux dire les films, il paraît qu'ils sont amusants) ni les pirates de Malacca, ils existent mais je ne les ai pas rencontrés.
Pendant trois jours, ou plus exactement trois nuits, le commandant a pris les mesures que prennent tous les navires, extrêmement nombreux, qui passent dans ce détroit. Dés la tombée de la nuit il est interdit de sortir sur les ponts, toutes les portes blindées sont fermées à l'aide de lourds volants, le "château" mérite alors bien son nom car il devient impénétrable. Pour le reste il y a quelques tuyaux à incendie fixés le long des bastingages, mais vu leur faible densité je ne vois pas à quoi ils pourraient servir d'autre qu'à rafraîchir les idées d'éventuels pirates. J'ai proposé de stocker les brocolis surgelés sur le pont le plus haut, pour bombarder les assaillants (et du même coup nous débarrasser de ce foutu légume), mais l'idée n'a pas été retenue. Au demeurant il faudrait être un pirate mal informé, idiot ou vraiment débutant, pour s'en prendre à notre vieux petit cargo qui devrait normalement recevoir la plus basse des notes dans le guide de la piraterie.
En revanche j'ai pu constater sur tous les marchés du Pacifique ou de l'Asie les bonnes performances des DVD pirates. Il y en a partout, ils coûtent environ deux euros les trois. La vidéothèque du bord en est pleine, ils sont tous en anglais avec des sous-titres en chinois, thaï ou vietnamien. Il y a aussi un sous-titrage en anglais, soi-disant pour les malentendants. J'ai essayé plusieurs fois, en pensant que cela m'aiderait à comprendre. Mais alors grosse surprise, tous ces sous-titres sont écrits par des gens qui ne savent pas un traître mot d'anglais ! Ils font une traduction phonétique de ce qu'ils croient entendre.
Par exemple "Be careful" est traduit par "Be carrefour" et "her modesty" par "Her Majesty". Il n'y a jamais de sous-titres en français, cela pourrait être drôle, mais il y a sans doute dans cette partie du monde moins de francophones que d'anglophones sourds.
Pourtant tout cela c'est de la petite flibuste, à coté de ce que je lis dans les livres ("Gommorra" ou "Fast food nation") ou les journaux grappillés aux escales. Les vrais grands pirates, depuis longtemps, ne gagnent plus leur vie à la sueur de leur front.

samedi 21 février 2009

MALAISE EN MALAISIE

Bon je sais, c'est facile, très facile, comme jeu de mots pour un titre. Mais d'une part au bout de plus de trois mois et pour la dernière escale je pense pouvoir me laisser un peu aller, d'autre part ce n'est pas totalement gratuit, jugez-en vous-même.
Nous sommes restés un jour et demi en Malaisie, nos quais se trouvant à Port-Klang. Première visite d'une demi-journée à Klang, ancienne capitale du royaume, décrite par le guide Lonely Planet (je cite mes sources) comme une "jolie petite ville tranquille". Le rédacteur n'y a sans doute jamais mis les pieds, ou alors à l'avant-dernier siècle, car je n'y ai vu que des autoroutes en béton, des HLM en béton, et d'énormes mosquées en construction, en béton aussi mais recouvertes de divers matériaux clinquants. Au milieu de tout cela des rues commerçantes poussiéreuses ou même les vendeurs indiens sont mal aimables, c'est dire ! Courage, fuyons...
Le lendemain visite d'un jour à Kuala-Lumpur la capitale, à une heure d'un paysage dominé par des autoroutes... voir plus haut. Peu à peu une ville ultra-moderne émerge entre les méandres des noeuds routiers, les banques et les grands hôtels remplacent les HLM. Ce qui n'est pas bouffé par le béton ressemble encore à de la nature, parfois sauvage, parfois bien aménagée en parcs. Des petits centres commerciaux fleurissent sous les piliers des autoroutes, ils vendent par milliers des fausses montres de grandes marques pour quelques dizaines de dollars. Les fameuses tours jumelles Pétronas (la compagnie pétrolière du pays) sont très impressionnantes. Elles hébergent un centre commercial de luxe extrême où les grandes marques de montres vendent par dizaines leurs modèles pour quelques milliers de dollars. Partout plein de grues, apparemment il reste encore des endroits où couler du béton.
Vous l'aurez compris je préférais Singapour.
Retour au cargo pour environ 35 jours de mer, en commençant par la suite du détroit de Malacca.

lundi 16 février 2009

2 JOURS A SINGAPOUR

Que dire d'une si grande ville ? Tout est dans les guides, tout se trouve sur Internet...
J'ai fait des kilomètres à pied dans des rues où le climat moyen est celui d'une grande buanderie, j'ai pris plein de bus et le métro. Tout fonctionne admirablement, les habitants sont gentils, en deux jours je n'ai pas vu l'ombre d'un policier.
Est-ce la société de l'avenir ? Multiculturelle et multiconfessionnelle, mélange sans heurts apparents. On passe de Chinatown à Little India vers le quartier arabe puis le marché malais. Tous les costumes sont dans les rues. Toutes les formes de culte sont ouvertement pratiquées, les églises chrétiennes, les temples hindoux, les pagodes chinoises et les mosquées musulmanes se succèdent. Il y a aussi un grand temple maçonnique décoré d'immenses équerres et compas.
Des groupes de centres commerciaux d'un luxe incroyable dévorent des rangées entières de maisons traditionnelles, petits immeubles de deux étages tres colorés.
On peut manger tout et n'importe quoi, le plat le plus célèbre est un curry de tête de poisson, une grande tête avec de gros yeux globuleux qu'il est du dernier chic de gober goulument en faisant gloups ! J'avoue ne pas avoir eu le courage d'essayer.
Un magnifique jardin botanique cultive des orchidées par milliers, elles ont toutes les tendres couleurs possibles. On y trouve aussi d'énormes plantes carnivores, elles attendent patiemment les mouches comme les centres commerciaux attendent le chaland, en les attirant avec des bonnes odeurs et des couleurs brillantes.
Je me suis acheté un assortiment complet de pinceaux et de bâtonnets de couleurs chinoises, ainsi qu'un manuel d'initiation à la susdite peinture, cela devrait pouvoir servir pendant les 40 jours sans escale de notre retour.
Avant de partir nous avons quitté notre quai pour aller nous ancrer dans une zone réservée aux chargements dangereux, nous y avons transbordé une dizaine de conteneurs d'explosif, je préférais quand c'était des oignons ou des noix de coco. Pour les sponge et les broccolis j'hésite...
Nous allons traverser le détroit de Malacca vers Port-Klang en Malaisie, c'est une zone de pirates, je parlerai plus tard de nos précautions. Si je le faisais maintenant ils pourraient le lire et ces précautions ne serviraient à rien, faut quand même pas nous prendre pour des débiles !
Port-Klang est tout près de Kuala-Lumpur, j'espère que nous aurons le temps d'aller y jeter un oeil sur les fameuses tours jumelles et le reste, pour l'instant rien n'est très clair a ce sujet.

mercredi 11 février 2009

COQUILLAGES ET CORAUX

Nous avons encore une matinée à quai. Ce n'est pas assez pour aller en ville, et puis je crois avoir épuisé les découvertes que peut offrir General Santos au vagabond superficiel que je me trouve être.
Il me reste les petits bouts de plage qui entourent notre quai. J'y suis passé chaque soir mais ce matin c'est marée basse, j'y retourne. Cette plage grise est dégueulasse et elle pue, mais j'y trouve beaucoup de jolis petits coquillages et de drôles de coraux ronds et plats, délicatement sculptés comme des têtes de champignons, ainsi que des fragments de corail rouge. La récolte est bonne.
Au retour je vois qu'il y a le long de notre bord un minuscule canot familial avec les parents et une ribambelle d'enfants, ils zonent par là depuis notre arrivée dans l'espoir de grappiller quelques déchets de notre formidable présence. Je décide de leur donner ce qu'il me reste de "pisos", environ 300, l'équivalent de six euros. C'est un petit pactole pour une famille pauvre, ici un fruit coute un piso, une heure d'autobus 25 et un kilo de poisson 100. Je mets les billets dans une bouteille en plastique, je hèle le canot du haut du pont, ils se rapprochent et je peux lancer ma bouteille à la mer. Ils la récupèrent et la planquent prestement sous un chiffon, puis ils sortent un gros coquillage et me le tendent pour me le donner. Je trouve un filin que je leur envoie, ils mettent le coquillage dans un récipient que je peux hisser avant de le leur rendre.
Le coquillage est magnifique mais il est vivant ! Il est occupé par une sorte de super-méga-bulot jaune tout baveux. Après réflexion je l'ai fait cuire dans ma bouilloire où il tenait tout juste, je me demande quel gout aura désormais le café que je me fais parfois ? Reste encore à le vider, en attendant je l'ai mis dans le petit frigo de ma cabine. Décidément c'était la journée naturaliste, qu'est-ce qu'il ne faut pas faire pour enrichir son cabinet de curiosités...
Puis nous avons repris notre route directement vers Singapour, deux petites escales en Malaisie ont été supprimées au dernier moment.
Nous arrivons en mer de Chine. Adieu Philippines.

mardi 10 février 2009

L'EMPIRE DU THON

C'est reparti pour un jour à General Santos (ne me demandez pas qui c'était ni ce qu'il a fait, je n'en sais rien).
Je commence par le port de pêche et un marché aux poissons, pas loin de notre embarcadère. Tout y est consacré au thon, du plus petit au plus grand qui a la taille et le poids d'un homme. Débarquement des bateaux aperçus hier, vente a la criée, nettoyage et découpage puis chargement dans des camionnettes, tout se passe rapidement, avec efficacité et propreté.
Un bus vers la ville, il est encore plus petit que celui d'hier, je suis obligé d'aller vers le fond à quatre pattes, à la grande joie des poissonnières qui quittent le marche avec des seaux pleins de poisson (si vous avez suivi vous savez lequel). Visiblement je les intéresse beaucoup, je finis par comprendre que la plus commère du groupe a des visées matrimoniales sur moi. Je montre mon alliance en disant "Sorry", bruyante déception générale. Le parcours se termine dans la bonne humeur, bien que nous soyons très entassés et tout recroquevillés.
Immense marché couvert ou s'intercalent les allées des dentistes, des poissonniers puis des manucures. Et des milliards de fruits et légumes. De l'autre côté de l'avenue c'est une plage très fréquentée, elle s'appelle sans surprise la "Tuna Beach and Park", en fait de parc il y a trois cocotiers faméliques. De nombreuses paillotes y servent a manger, dans les gaz généreux des pots d'échappement des autobus dont c'est aussi la gare centrale.
Je repars au hasard dans ce pandemoniun qui finit par m'être sympathique, je m'y suis habitué. Ici et la il y a des écoles d'où sortent des flopées de jeunes filles en longues jupes et chemisiers blancs immaculés, étudiantes, élèves-infirmières ou apprenties bonne-soeurs ? Je me demande comment elles arrivent à rester si propres.
J'aperçois une "Bookshop", en fait ce n'est qu'une papeterie. Un garde arme surveille l'entrée, il y en a devant beaucoup de boutiques. Il me fait le salut militaire quand j'entre et quand je sors, ça c'est du service !
Mes jambes qui avaient repoussé pendant la nuit sont à nouveau toutes usées, je regagne le bateau.
A suivre...

lundi 9 février 2009

C'EST L'ASIE

Nous sommes arrivés à General Santos (Philippines) par une belle fin d'après-midi, notre cargo s'est mis à quai juste à côté d'une usine de traitement du coprah, c'est là que nous allons décharger ce qui a été entassé dans nos cales aux escales précédentes. Comme c'est assez long nous resterons au moins deux jours. Il y a tout autour de grands bateaux multicolores à balanciers au profil de jonque, ils portent eux-mêmes une vingtaine de canots minuscules, ce sont eux qui vont pêcher a la ligne le thon avec un seul homme a bord.
Dès le matin suivant nous partons vers la ville qui est loin. Nous prenons l'un des autobus locaux, toutes petites caisses en bois avec des bancs. Ils sont très colorés, couverts d'enjoliveurs en tous genres. S'ils ont eu des amortisseurs c'était il y a longtemps. Le trajet sur des routes d'une banlieue industrieuse est long, d'innombrables échoppes et gargotes se succèdent, tout le monde travaille sous le soleil et dans la poussière, nous sommes arrivés en Asie.
D'immenses avenues surgissent et se croisent, cette ville semble n'avoir ni queue ni tête, elle mélange dans le désordre tous les types de constructions, de la cambuse en tôle et bambou jusqu'aux immeubles modernes en verre et béton, les banques évidemment. Mais tout ce qui est récent est déjà bien dégradé du fait de la lourde chaleur humide et faute d'entretien.
Le bus nous laisse quelque part dans ce chaos, des "tuktuk" prennent le relai, ce sont des triporteurs construits en métal et en bois autour d'une mobylette asthmatique, eux aussi sont peints de couleurs vives et portent des devises grandiloquentes en anglais ou espagnol. La circulation est anarchique mais chacun trouve son chemin sans précipitation ni heurts.
Nous allons chercher de la monnaie locale dans un centre commercial, le choc ! Immense supermarché parfaitement banal pour nous en sous-sol, boutiques de luxe et fast-food en pagaille dans les étages, climatisation outrancière. Le tout dans un bloc en béton fermé de toute part, l'entrée est controlée par des militaires et plein de gardes armés jusqu'aux dents.
Dans ce centre je trouve une librairie mais il n'y a aucun plan de la ville, il n'y passe jamais de touristes et les gens d'ici semblent ne pas en avoir besoin. Je prends successivement plusieurs tuktuk pour essayer de trouver un restaurant servant quelque poisson, les conducteurs ne parlent que le tagalog et me posent systématiquement devant un fast-food plus ou moins oriental. Comme cela je visite... Pour finir l'un d'entre eux me trouve un "Tuna Grill", juste ce que j'imaginais. Des familles y déjeunent avec plein d'enfants, les petites filles ont des robes jaunes ou roses avec des petits noeuds partout. Une énorme télé diffuse à plein volume un jeu imbécile, tout le monde rigole, même moi tant ils s'amusent.
Pour rentrer je trouve un taxi, mes jambes sont toutes ratatinées à force de marcher sous le soleil.
A suivre...

mercredi 4 février 2009

OEUF A LA COQUE

Nous sommes remontés au-dessus de l'équateur (pas de fête dans ce sens-la) et avons quitté le Pacifique pour ne plus sortir de l'hémisphère nord, adieu la Croix du Sud.
Nous traversons des mers aux noms lointains, mer de Salomon, mer de Bismarck, mer des Moluques, nous arrivons demain dans la mer des Célèbes pour relâcher dans le port de "Général Santos", tout au sud des Philippines. Pour combien de temps nul ne le sait, ce genre de question est tabou sous ces latitudes, en plus le commandant a l'air de mauvaise humeur, alors...
Seul événement notable de ces derniers jours : j'ai pris au petit déjeuner d'avant-hier un oeuf à la coque, le premier du voyage ! Parmi les passagers on en parle encore.

samedi 31 janvier 2009

CASOAR ET CHAUVE-SOURIS

Après l'île de New Britain nous avons eu deux escales sur l'île principale de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, dans les ports de Lae puis Madang.
Lae a mauvaise réputation, elle est considérée comme une ville dangereuse, terrain de séquelles de luttes plus ou moins tribales ou plus simplement d'agressions de la part des "rascals" sans argent et violents. On nous avait prévenus : pas de balade individuelle, pas de promenade à pied dans la ville. Notre sortie a donc eu lieu en groupe dans une sorte de fourgon blindé d'un service de sécurité, aux vitres couvertes d'un grillage très serré, le vrai panier à salade. Aller-retour rapide vers un coin de forêt tropicale sur le domaine d'une Université, avec mur d'enceinte continu, rouleau de barbelés, gardes armés de fusils. Cool, le tourisme ! Seul élément notable de la petite collection de volatiles exotiques du mini-zoo : le casoar, sorte d'autruche noire courte sur pattes aux yeux jaunes méchants, au long bec très pointu et surtout au crâne multicolore et blindé, surmonté qu'il est par une grosse calcification lui servant de marteau-pilon. Drôle de bestiau...
Madang est beaucoup plus tranquille, dans une échancrure du rivage parsemée de petites îles à la jolie végétation (bon, si on aime les cocotiers, bien entendu). Joli marché, des dames y roulent des feuilles de tabac séché dans du papier-journal, cela fait les plus longues cigarettes du monde. La ville est occupée par des milliers de très grandes chauve-souris noires accrochées en haut des arbres, elles se ventilent en bougeant lentement leurs ailes immenses (environ 60 cm), le tableau d'ensemble est assez sinistre. Leur pépiement suraigu fait un boucan d'enfer. Elles envahissent la ville chaque après-midi, personne n'a jamais compris pourquoi. De leur fait l'aéroport local ferme a 16 heures. Quand je pense qu'Anduze se plaint de ses gentils passereaux des soirs d'été !
Double coup de sirène dans le port, le chargement est terminé, départ avec deux heures d'avance, tout le monde à bord, un cargo ça n'attend pas. Adieu la Papouasie-Nouvelle-Guinée.

mardi 27 janvier 2009

ENTRE DEUX ILES, DES LECTURES

Un jour complet en mer, il y avait un certain temps que cela ne nous était pas arrivé. Après Rabaul-la-grise nous avons fait escale à Kimbe, autre ville de la même île. Rien de spécial à en dire, sinon que j'ai vu un énorme crocodile dans une cage, la voisine étant cyniquement occupée par des centaines de canards.
Entre les deux un vague treillage seulement. Alors, au choix :
1) le crocodile a déjà mangé tellement de canards qu'il en a marre et ne les regarde même plus ?
2) c'est le seul crocodile végétarien au monde ?
3) il s'agit d'un test philosophique sur l'union des contraires, genre yin et yang ?
Pendant ce temps le cargo pompait des milliers de tonnes d'huile de palme.
Je profite de ce moment suspendu pour vous parler de mes lectures. L'espace-temps local se partage en deux :
- dans ma cabine je lis ce que j'ai stocke sur mon ordinateur avant le départ, donc de la vieillerie en libre-accès : Balzac, Dumas, Hugo, Verne et les autres, ces géants de la littérature. Pour les bretons qui ne l'auraient pas encore lu je recommande instamment "1793" du cher vieux Victor, quel souffle, quel génie des mots et de l'assemblage des mots les plus tragiques !
- sur les ponts, au soleil ou à l'abri selon le temps, les "vrais livres", presque tous sur les grandes horreurs de notre petit monde contemporain. En vrac John Le Carré et la paranoïa anti-terroriste, Roberto Saviano et le règne de la Camorra, Eric Schlosser et la gangrène du Fast-Food, Littel père sur la CIA ou fils sur le nazisme tranquille, n'en jetez plus, l'océan est plein...
Un rayon de rire au travers de tant de sombres nuées littéraires : PG Wodehouse et son inimitable Jeeves, caustique description de la "bonne" société anglaise d'avant-guerre. Mais quand je regarde mon îlot britannique ambulant, je constate que les sociétés archaïques ont bien des survivances, pas seulement chez les papous.

samedi 24 janvier 2009

POMPEI PAPOU


En 1994 Rabaul avait environ 30.000 habitants. Les signes avant-coureurs d'une grosse éruption ont permis l'évacuation rapide de cette population juste à temps.
Aujourd'hui cette ville n'existe plus. En trois jours la cendre a tout écrasé, tout nivelé. La plus grande avenue n'est plus qu'une double tranchée entre des congères de cendres. Sur une éminence une rotonde avec balustrade en béton domine de son orgueil brisé une plaine grise. Les anciennes rues sont effacées, le seul chemin sur pour les véhicules est balisé par des bâtons avec des sacs en plastique en guise de fanions. Ici ou là émerge le squelette de béton d'une banque ou d'une administration. Les escaliers du grand cinéma ont été dégagés mais ils ne mènent plus nulle part. Un panneau dérisoire indique encore le chemin d'un Yacht-Club effacé.
Voir Pompei d'il y a 2000 ans c'est pittoresque et instructif. Mais voir Rabaul d'il y a 15 ans cela serre le coeur. Le guide de la bibliothèque du bord est de 1990, d'avant le déluge noir et gris : il vante les charmes de cette ville hospitalière, en plein développement.
En 1943 Rabaul était la principale forteresse des japonais dans le Pacifique. Plus de 100.000 soldats y avaient fait creuser par leurs prisonniers et la population locale des centaines de kilomètres de galeries souterraines. Ile forteresse si bien défendue que les américains ne l'avaient même pas attaquée, se bornant à la bombarder intensément. Rabaul avait été entièrement rasée... S'il y a des lieux maudits, Rabaul en est un.
Normalement ce sol de cendres devrait être fertile, mais pas ici car de la nouvelle cendre continue à se déposer couche après couche, sous le vent des éruptions quasi permanentes.
L'ancienne ville n'est plus rien qu'un désastre, des préfabriqués ont repoussé a l'ouest, là ou il restait encore des traces de rues, de nouvelles villes se sont développées plus loin. La poussière de cendres est partout mais de beaux enfants couleur chocolat plongent dans l'eau turquoise de la baie, le soleil tape fort sur les parapluies multicolores des matrones des marchés, les jeunes gens sont rieurs. Comme partout, avec ou sans volcan.

jeudi 22 janvier 2009

AU DESSOUS DU VOLCAN

Nous sommes arrivés dans l'après-midi à Rabaul, ile de New-Britain, en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Or cette petite ville a la rare et peu enviable caractéristique de se trouver en plein centre d'un vaste champ de volcans dont l'un, le Tavurvur, est encore actif, très actif. Après une grosse éruption en 1994, qui a pratiquement détruit la ville, les habitants ont plus ou moins reconstruit ce qu'ils ont pu au même endroit.
De très loin nous avons pu voir les volutes de fumée monter au-dessus de l'océan, puis, en nous rapprochant, les détails se sont précisés : toutes les quelques minutes une nouvelle éruption envoie dans le ciel un gros bouchon noir et gris de cendres, il est précédé ou accompagné de projections de pierres noires.
Le volcan actuel est assez bas, environ 200 mètres, il est dominé par ses voisins et prédécesseurs plus imposants.
Passagers et marins qui le peuvent sont sur les ponts pour ne rien perdre de ce spectacle très impressionnant, jusqu'au moment où une saute de vent nous met directement sous le nuage de cendres, comme une grêle de sable gris, fuite générale vers l'intérieur.
Le bateau se met à quai, nous sommes a cinq kilomètres du cratère et plus ou moins sous ses fumées, cela dépend du vent. Le travail des dockers commence aussitôt, il y a 150 conteneurs a décharger et autant à charger ensuite.
La nuit venue on voit le cratère rougeoyer quand il a une éruption, de temps à autre c'est un vrai feu d'artifice de pierres incandescentes qui montent en colonne avant de retomber en dessinant le profil des pentes du volcan.
Il neige de la cendre sans interruption, le bateau est déjà tout gris.
Demain, si c'est possible, nous sortirons en minibus pour voir un peu la ville et une partie de l'ile.

lundi 19 janvier 2009

ILE DE GUADALCANAL - VILLE D'HONIARA

Nous sommes restés deux jours à quai dans cette ville. Le premier était un dimanche très pluvieux, pas de chargement possible, tout était fermé sauf les églises, immenses et bondées des nombreuses religions, ainsi que les magasins ou restaurants chinois. Le long du port, très grands mouvements de bateaux divers aussi délabrés les uns que les autres, emportant ailleurs des foules colorées et des amas de marchandises.
Lundi temps magnifique, à quelques uns nous avons fait un tour sur les sites des furieuses batailles de 1942-43. C'est la qu'américains et japonais se battirent à terre pour la première fois. L'ile de Guadalcanal, d'abord occupée par les japonais, contrôlait des lignes de communications vitales entre l'Australie et les Etats-Unis, d'où l'acharnement des combats finalement gagnés par les américains. Des dizaines de milliers de morts, une cinquantaine de bateaux coulés dans la baie. Mais les traces de cette guerre disparaissent, peu de monuments commémoratifs, très tardifs au demeurant. C'est une entreprise japonaise de travaux publics qui a construit celui des américains, business is business.
Guadalcanal fait partie de l'archipel des Iles Salomon, ainsi nommées au 17ème siècle d'après une légende de Papouasie situant vers l'Orient des îles aux grands trésors. Grosse déception initiale, mais l'ironie veut qu'on y ait découvert trois cents ans plus tard d'importantes mines d'or, maintenant épuisées. Comme quoi, avec un peu de patience... En attendant les deux ressources principales restent ici le thon, en voie de raréfaction, et le coprah, dont le prix a été divisé par deux en huit ans. Bienvenue dans le 21ème siècle !
Prochaine escale à Rabaul, en Papouasie-Nouvelle-Guinée. L'aéroport vient d'y être fermé pour cause d'excès de cendres projetées par le volcan local, toujours actif.

vendredi 16 janvier 2009

VANUATU - VILLE DE SANTO

Toute petite ville que Santo, une seule longue rue sur laquelle se trouvent tous les commerces, le port à un bout et le marché à l'autre. La monnaie locale, le Vatou, est bilingue anglais-francais, les habitants parlent divers dialectes et le pidgin, genre d'anglais phonétique simplifié. "Merci beaucoup" se dit par exemple "Sankia toumas". Les panneaux d'interdiction portent le mot TABU.
La grande affaire pour les hommes du pays c'est le kava. Liqueur non alcoolique extraite d'une racine du même nom, c'est une drogue légale largement consommée dans les bars à kava ou dans les cases communautaires des villages. Autrefois c'étaient les jeunes garçons qui préparaient ce breuvage en mâchant longuement les racines. Le kava a des propriétés anesthésiantes et oniriques, il ne rend pas violent et provoque le sommeil. Il a l'apparence et l'odeur d'une vieille eau de vaisselle, au goût c'est pire encore. Je vous raconte tout cela pour votre formation ethnographique car pour ma part je n'en ai pas vu, je n'en ai pas bu, mais j'en ai beaucoup entendu causer.
Santo a été en 1942-43 une base importante des américains pour leur lente reconquête du Pacifique, des centaines de milliers de soldats y sont passés dont John Kennedy dont le patrouilleur y était basé. Ici et la traînent des vestiges de ce temps, hangars semi-tubulaires en tôle ondulée qui servent encore, pistes d'atterrissage mangées par la végétation, débris rouillés de véhicules ou d'équipements.
La seule ressource touristique de l'ile est la plongée sous-marine, mais ce marche s'écroule, trop loin de tout, trop pauvre, pas assez à la mode.
Il y a sur le bord de la ville un petit casino qui ne paye pas de mine, c'est sans doute le seul au monde où l'on puisse jouer son Vatou sans craindre de se ruiner...

jeudi 15 janvier 2009

VANUATU - ILE D'ESPIRITU SANTO

Là nous avons enfin fait les touristes, comme il se doit quand même de temps en temps. La compagnie nous a offert un tour en minibus, j'ai mis pour l'occasion ma chemise à grosses fleurs de couleurs vives, celle que j'ai achetée dans une ile précédente et que je ne suis pas certain de pouvoir porter à Paris.
Nous avons traversé des cocoteraies pleines de cocotiers sous lesquels paissent tranquillement des boeufs charolais, les deux produits d'exportation de l'ile étant le coprah (écorce séchée de noix de coco) et la viande.
Les voitures roulent a droite ("The wrong side" disent nos aimables anglais), ce qui est exceptionnel sous ces latitudes, voila pourquoi : vers 1900 les français et les anglais avaient décidé d'administrer ensemble ces îles, à l'époque les Nouvelles Hébrides. Mais de quel côté de la route faire circuler les voitures ? Après les échanges cordiaux, fermes mais néanmoins courtois, qu'on peut supposer, les co-gouverneurs locaux décidèrent dans leur sagesse de s'en remettre au hasard. Ce serait la première voiture à débarquer qui en déciderait, ce fut celle d'un missionnaire français...
Je vous laisse imaginer la baignade dans l'eau turquoise d'une plage appelée Champagne au délicat sable blanc, le pique-nique sous les flamboyants avec des ananas, papayes et autres mangues locales, si j'insiste trop je crains pour votre tension de malheureux hivernants.
Retour sous la pluie dense d'un petit orage tropical, le temps varie très vite ici et le ciel change en quelques minutes son azur radieux contre de gros nuages noirs qui crèvent sur votre tête ou vont rapidement voir plus loin.
En revenant au bateau nous apprenons qu'a cause de la pluie le chargement du coprah, très lent et compliqué du fait des faibles moyens techniques locaux, a plusieurs fois été interrompu, nous serons encore ici demain matin.
Donc à suivre...

mardi 13 janvier 2009

UNE SI JOLIE PETITE BAIE

Arrivés à Port-Vila (Vanuatu) en fin d'après-midi nous avons pu admirer sa jolie petite baie, et puis l'admirer encore et encore... Car après y avoir jeté l'ancre, à cause d'un vilain gros cargo tout rouillé qui occupait déjà le seul quai, nous avons dû attendre qu'il veuille bien dégager pour pouvoir prendre sa place. C'est ainsi que nous avons attendu toute la soirée (joli coucher de soleil sur la baie), la nuit (belle pleine lune sur la baie), le matin (charmant lever de soleil sur la baie), l'après-midi (chaleur lourde et humide dans la baie), et une autre soirée (attention aux moustiques de la baie).
Nous avons enfin accosté sur le fameux quai unique mais il faisait nuit, trop tard pour aller dans la ville qui se trouve loin du quai et tout au fond de la baie. Pas de taxis et plus rien d'ouvert.
Vous vous demandez peut-être pourquoi nous sommes restés sur notre bateau à l'ancre dans la baie tout au long d'une belle journée, à moins de cent mètres du rivage ? Nous aussi nous nous sommes posés cette intéressante question, la réponse étant qu'il n'était pas question de débarquer sans passer par la douane, or la guitoune de la douane est sur le quai et elle n'ouvre qu'après la mise à quai des bateaux, CQFD...
Travail des dockers et de l'équipage toute la nuit. Ceux qui ne sont pas de service pêchent à la lumière des projecteurs du bateau, demain on aura peut-être au menu du poisson de la baie.
Départ au petit matin avant 6 heures en raison de l'arrivée d'un navire de croisière, seigneur de la mer qui ne saurait attendre, lui !
Ainsi va la vie du voyageur en cargo.
Si l'Office du Tourisme de Port-Vila cherche un rédacteur pour la page "Notre magnifique baie" de sa brochure annuelle je suis candidat, j'estime avoir maintenant la qualification requise.

samedi 10 janvier 2009

NOUVLLE CALEDONIE - NOUMEA

Nous ne sommes restés qu'une journée à Nouméa, pas le temps de faire tout ce que j'aurais voulu. Mais comme le dit un proverbe kanak : "Il vaut mieux trouver une bonne papaye que deux mangues pourries".
Journée presque professionnelle pour moi. Après le marché dans lequel j'achète de la poudre de coco (la noix de, pas l'autre, qu'est-ce que vous croyez ?) je vais rendre visite a Pierre Faessel qui dirige la grande et belle librairie Montaigne, juste à l'un des bouts de la Place des Cocotiers, à l'autre bout ce n'est que l'Hôtel de Ville. Puis, après avoir acheté une règle et un compas pour mes dessins, je retrouve mes amis Cathie et Gilbert, chargés de préparer ici un ambitieux projet de Maison du Livre. Ils ont bon espoir de franchir les nombreux obstacles inhérents à tout projet fédérateur et novateur comme celui-ci pourrait l'être. Ils aiment la Nouvelle-Calédonie et la mer qui l'entoure. Délicieux déjeuner au bord de l'eau dans les restes aménagés d'un ancien bâtiment pénitentiaire.
Pour bien poursuivre un après-midi déjà fort entamé ils me conduisent au centre culturel Tjibaou, magnifique réalisation de l'architecte Renzo Piano, qui a su transformer le coin perdu qu'on lui concédait en exemplaire lieu de mémoire et d'espoir. Mais il faut le dire, de mon point de vue de visiteur superficiel, Nouméa semble avoir encore du chemin à faire sur la voie de l'intégration de la culture kanak dans sa vie urbaine : les rues et les statues sont par exemple toutes consacrées aux coloniaux civils et militaires les plus notoires, alors que dans les régions déjà abordées dans ce voyage, Iles Fidji, Nouvelle-Zélande, et même un peu Tahiti, un effort d'équilibrage ou de re-fondation est évident...
Départ le lendemain matin, le bateau évolue entre des iles totalement dépourvues de constructions, on a l'impression de les voir dans l'état où les ont découvertes les navigateurs des siècles passés.

mercredi 7 janvier 2009

LE VIF DU SUJET

Nous allons arriver à Nouméa, j'irai voir la librairie Montaigne avec qui je correspondais du temps lointain où j'étais parisien. Montaigne chez les kanaks, le choc des cultures pour le meilleur après avoir tant traîné du côté du pire ?
Nous entrerons ainsi dans ce qui réprésente la principale raison d'être de cette ligne de cargos, le cabotage d'une île à l'autre et, sur les rivages de ces îles, d'un port a l'autre. Nous irons au Vanuatu (Port-Vila et Santo), aux Iles Salomon (Guadalcanal/Honiara), en Papouasie-Nouvelle-Guinee (cinq ports successifs annoncés), aux Philippines (Général Santos), en Malaisie (Miri et Bintulu), à Singapour, puis retour en Malaisie avec le port de Klang, qui est l'ouverture sur la mer de Kuala-Lumpur. Et enfin, pas mal plus loin et beaucoup plus tard, Suez et Hambourg.
Que de noms exotiques et combien de micro-civilisations dont je n'avais qu'une très faible idée jusqu'ici ! Heureusement des passagers précédents ont laissé dans la bibliothèque du bord divers livres et guides, ce qui permet d'aller sur le motif avec quelques précieuses informations.
Bien évidemment tout cela reste sujet à modifications inopinées selon les chargements et le temps. Car, comme le commandant ne cesse de le rappeler à nos cerveaux amortis par l'âge et engourdis par le roulis : "We are on a cargo-ship...".

lundi 5 janvier 2009

NOUVELLE ZELANDE - AUCKLAND


Nous sommes arrivés à Auckland un beau dimanche d'été tout ensoleillé, c'est une vraie petite Californie. Des millions de cyclistes, ceux qui ne pédalent pas font du jogging, les autres se livrent à divers sports. Quelques déviants glandent sur l'herbe des nombreux beaux parcs, tout simplement. Les gratte-ciels enrobés de verre qui entourent sur les collines de vieilles maisons victoriennes en bois renforcent l'impression d'être a San-Francisco.
Une épuisante tournée des musées m'a précisé l'histoire des Maoris, qui occupaient ces îles avant l'arrivée spoliatrice des européens. Merveilleux sculpteurs sur bois, malgré l'absence d'outils en métal, pour leurs maisons cérémonielles ou leurs bateaux.
Pour l'équipage du cargo les journées d'escale sont épuisantes car elles se passent à décharger puis recharger les soutes et les ponts. Ceux qui ne sont pas à la manutention réparent ou repeignent tout ce qui n'est pas accessible pendant les jours de mer.
Quatre passagers nous ont quittés, pour reprendre un bateau suivant de la même ligne dans un ou deux mois. Un autre nous a rejoints, un finnois, vieil habitué des voyages en mer, sur voiliers ou cargos. Et deux nouveaux cadets se sont ajoutes aux deux premiers, je suppose qu'ils savent déjà qu'ils vont dérouiller...
C'était étrange de se retrouver dans une grande ville moderne. Et c'est vrai qu'on garde l'impression que le sol tangue ou roule toujours un peu. Par prudence je me suis donc abstenu de faire du vélo.

samedi 3 janvier 2009

DEUX OU TROIS CHOSES QUE JE SAIS D'ELLE

La Nouvelle-Zélande, notre nouvelle escale demain, se situe résolument dans les confins obscurs de ma culture, je n'ai en tête à son propos que deux ou trois clichés, les kiwis, les moutons, les all-blacks et presque rien d'autre.
Notre traversée droit vers le sud a changé la position des couchers de soleil, ils se trouvent maintenant à tribord (que j'arrive maintenant à identifier sans trop me tromper, ce n'est pas comme la latitude et la longitude que je mélange encore).
Avant de toucher terre à Auckland nous passerons successivement entre les îles des trois rois et celle des trois chevaliers. Riche symbolique sans doute, moins directement intelligible que celle de la barrière des récifs de corail, dont je crains que nous ne puissions pas voir grand chose du haut de notre brave tas de ferraille de dix étages.
A propos de chevalier j'ai le plaisir d'apprendre à ceux qui ne l'auraient pas lu dans la presse française que l'immense écrivain Terry Pratchett a été fait Chevalier pas Sa Très Gracieuse Majesté (enfin une nouvelle intéressante dans Britain Today), on est désormais pries de lui dire Sir. Et de le lire si on ne l'a pas déjà fait, et si on aime les mondes imaginaires.

vendredi 2 janvier 2009

TURLUTUTU - TOOT-TOOT

Des petites fêtes ont été organisées sur notre village flottant, comme il se doit, pour les nuits des 25 et 31 décembre. Pour Noël tout le monde portait un bonnet rouge à pompon blanc, pour la Saint-Sylvestre c'était un chapeau pointu.
Alcools à volonté offerts par la Compagnie, garantie de rires et de complicités sincères ou factices, c'est l'universelle loi du genre.
Pour que tout le monde à bord sans exception puisse se trouver au même endroit au même moment, la dernière minute de 2008 a réuni les 42 habitants du coin sur la passerelle autour de l'officier de quart qui n'aurait sous aucun prétexte pu quitter son poste. Et un toast à la Reine (celle des anglais, pas la notre) a rempli puis vidé les verres de champagne australien.
Particularité de notre état marin : notre sirène a vigoureusement proclamé la solennité de l'instant en mugissant dans la brume et la pluie tropicale, sans crainte de réveiller les habitants les plus proches qui se trouvent à des centaines de kilomètres. Je suppose qu'il en va de même sur tous les bateaux du monde entier. Ce qui, compte tenu des fuseaux horaires, fait un émouvant collier de coups de sirènes tout autour de la terre, pendant une longue nuit qui dure toute une journée.