Les changements constants de notre horaire ont prolongé notre escale précédente, et du coup notre troisième halte dans ces îles se déroule de jour et non de nuit comme prévu, donc encore quelques heures à terre. Comme nous l'a rappelé plusieurs fois notre commandant sur divers tons "We are in a cargo-ship", ce qui traduit en bon français veut dire "Attendez d'y être pour faire des projets, et fichez-moi la paix".
Petite bourgade très commerçante encore, avec une très forte proportion de gens d'origine indienne. La mosquée locale ressemble à un Taj-Mahal en miniature, les couches de culture s'empilent partout dans les vêtements ou les gargotes ouvertes. Beaucoup de magasins sont super-blindés, le client y entre dans une sorte de tunnel entièrement grillagé, même au plafond, et ne communique avec les vendeurs que par d'étroits guichets. Pas seulement les bijouteries, nombreuses, mais toutes sortes de commerces, alimentation, boissons, tissus ou quincaillerie. Il n'y a que trois grandes rues parallèles, elles sont équipées de parcmètres bien entretenus et dûment relevés par de nombreux contractuels.
Il y a une grande échoppe d'épices indiennes préparées sur place, toute la rue embaume, j'y achète de la muscade, de la cannelle et plusieurs poudres magiques aux noms inconnus mais aux couleurs et odeurs affolantes.
Quand le bateau repart il navigue entre la cote et la barrière de récifs coralliens avant de prendre une des rares passes qui lui soient ouvertes à cause de sa taille. On passe à cote de nombreux îlots dont certains sont paradisiaques, avec des belles huttes sur des plages blanches sous les cocotiers, ce sont sans doute des annexes des hôtels de luxe, alors que d'autres mêlent les arbres de la mangrove et des cahutes mal ficelées entourées de tas d'ordures ou jouent les enfants. Le tourisme est l'une des principales ressources de cette région, mais il est affaire d'investissements colossaux et de mode, la concurrence est rude dans l'offre des paradis provisoires. Les journaux locaux parlent de la crise, comme partout.
Fin du passage dans ces îles, nous partons droit vers le sud, prochaine escale début janvier à Auckland, Nouvelle-Zélande. Pour l'instant c'est la nuit, il y a d'immenses orages à l'horizon mais le ciel est dégagé au-dessus du bateau, on voit parfaitement la fameuse Croix-du-Sud, bel ensemble régulier de quatre étoiles que l'on ne voit pas d'Europe.
mercredi 31 décembre 2008
mardi 30 décembre 2008
ILES FIDJI - SAVU
Deuxième escale aux Îles Fidji, Savu, capitale administrative de la plus grande des îles (il y en a environ 300, dont la moitié seulement sont habitées). C'est une toute petite grande ville, en ce sens qu'il n'y a que quelques quartiers qui ont des immeubles de plusieurs étages, mais que ces quartiers ont les problèmes des villes, circulation, parcmètres, criminalité (nous tombons au milieu de la "grande semaine contre le crime", c'est rassurant).
Il y fait très chaud.
Visite du musée, consacre à l'histoire et aux arts de l'Océanie. Place importante consacrée au cannibalisme, tradition guerrière et sacrée. Les chefs commençaient le festin avec des fourchettes spéciales ayant quatre dents en couronne. Dans une vitrine il y a des lambeaux de godasses en cuir trop cuites, c'est tout ce qui reste d'un des missionnaires les plus zèles du pays au 19ème siècle.
Sur le rivage un grand hôtel blanc achève de moisir, c'est le "Pacific Grand Hôtel" qui fut le palace incontournable de toute la région, coloniaux et voyageurs s'y retrouvaient. Il y flotte un parfum de station balnéaire disparue, et des fantômes bien habillés ne savent même plus qu'ils traînent encore dans cette ruine leur spleen d'une époque et de moeurs révolues.
D'immenses flamboyants éclairent de leurs grappes de fleurs rouge vif les rues et les parcs. Les marches sont nombreux, les magasins de toutes sortes aussi, beaucoup font leurs affaires sous l'égide d'énormes pères Noël gonflables. Les visages sont très divers, mèlanèsiens trapus ou indiens, chevelures de toutes sortes, j'aime bien celle des vieux hommes dont l'abondant poil gris et crépu entoure une noire figure souriante.
dimanche 28 décembre 2008
ILES FIDJI - SAVUSAVU
L'archipel des Fidji est composé par des îles très nombreuses, nous commençons par celle de Vanua Levu ou se trouve notre première escale, Savusavu. Le soleil qui se lève juste dans le sillage du bateau éclaire des montagnes douces couvertes d'une végétation foisonnante, et un rivage uniformément bordé de cocotiers.
Notre cargo jette l'ancre dans une baie un peu écartée, il n'y a pas de jetée assez grande pour l'accueillir. Un gros tuyau souple pompera vers ses cales environ 2000 tonnes d'huile de coprah, il y en a pour toute la journée et une partie de la nuit. Nous allons à terre via une petite barque à moteur, celle-la même qui a mené toutes les opérations précédentes, le port n'est pas riche. Des enfants se baignent un peu partout, une belle épave en bois se ronge doucement.
Savusavu est un gros village, une seule rue le long du rivage et des boutiques qui se succèdent. Le bazar habituel de quincaillerie, d'alimentaire et de vestimentaire. Chaque magasin attire le chaland avec des hauts-parleurs surpuissants. Il y a aussi un grand marché, avec tous les fruits et légumes du pays. Les gens sont très souriants, on nous dit "Bula-Bula" quand on nous croise, on dit "Bula-Bula" à ceux qu'on croise, tout le monde est ravi. Tout prés de la rue principale il y a des sources d'eau bouillante, les gens y amènent des filets de légumes ou des sacs de coquillage, ils les mettent dedans et surveillent la cuisson en bavardant sur des petits bancs noyés dans des flots de fleurs mauves ou rouge vif. C'est gai et paisible.
Quelques voiliers sont ancrés au pied de ce gros village, la plongée sous-marine est la seule ressource locale à part la noix de coco. Apres avoir parcouru sous une grosse chaleur la rue unique plusieurs fois dans chaque sens il ne nous reste plus qu'à rentrer à bord par la même petite barque, demain on vogue.
Notre cargo jette l'ancre dans une baie un peu écartée, il n'y a pas de jetée assez grande pour l'accueillir. Un gros tuyau souple pompera vers ses cales environ 2000 tonnes d'huile de coprah, il y en a pour toute la journée et une partie de la nuit. Nous allons à terre via une petite barque à moteur, celle-la même qui a mené toutes les opérations précédentes, le port n'est pas riche. Des enfants se baignent un peu partout, une belle épave en bois se ronge doucement.
Savusavu est un gros village, une seule rue le long du rivage et des boutiques qui se succèdent. Le bazar habituel de quincaillerie, d'alimentaire et de vestimentaire. Chaque magasin attire le chaland avec des hauts-parleurs surpuissants. Il y a aussi un grand marché, avec tous les fruits et légumes du pays. Les gens sont très souriants, on nous dit "Bula-Bula" quand on nous croise, on dit "Bula-Bula" à ceux qu'on croise, tout le monde est ravi. Tout prés de la rue principale il y a des sources d'eau bouillante, les gens y amènent des filets de légumes ou des sacs de coquillage, ils les mettent dedans et surveillent la cuisson en bavardant sur des petits bancs noyés dans des flots de fleurs mauves ou rouge vif. C'est gai et paisible.
Quelques voiliers sont ancrés au pied de ce gros village, la plongée sous-marine est la seule ressource locale à part la noix de coco. Apres avoir parcouru sous une grosse chaleur la rue unique plusieurs fois dans chaque sens il ne nous reste plus qu'à rentrer à bord par la même petite barque, demain on vogue.
jeudi 25 décembre 2008
LE PERE NOEL EST UN VOLEUR
Oui, un voleur, car tout ce qu'il a réussi à faire pour nous c'est de nous voler un jour, un jour entier ! Nous passerons directement du 25 décembre au 27, rien pour le 26, disparu, envolé. J'espère qu'il n'y aura pas eu de nouveau grand hold-up à Paris ce jour-là, car je n'aurais aucun alibi, aucun. Imaginez le dialogue : "Que faisiez-vous le 26 décembre ?" "Désolé, il n'y a pas eu de 26 décembre". Outrage à magistrat, ça va chercher la perpétuité sur un cargo.
Pour les esprits plus portés vers les sciences exactes que sur les enquêtes policières je précise que nous venons de passer la ligne officielle de changement de date, et qu'il nous faut non seulement rembourser les douze heures que nous avons déjà grapillées au cours de notre parcours vers l'Ouest, mais en plus avancer les douze heures que nous allons encore consommer avant de regagner l'Europe. Les administrateurs du temps c'est comme les banquiers, ça veut le remboursement complet ET un dépôt de garantie. Si nous étions allés dans l'autre sens, toujours vers l'Est, nous aurions au contraire eu un jour supplémentaire, deux fois le 26 décembre. Rappelez-vous Phileas Fogg et le rebondissement final de son tour du monde en 80 jours. C'est en quelque sorte une prime à la marche vers l'Orient...
Comme nous avons passé cette ligne officielle dans l'après-midi du 24, nous aurions du être prives du 25. Mais il semblerait que le commandant ait reculé devant cette mesure sans doute impopulaire, et ait un peu triché avec les dates. Quoi qu'il en soit douze heures nous séparent maintenant de votre horaire, c'est bon de dormir dans nos couchettes moelleuses bercées par la houle quand vous vous agitez la tête en bas de l'autre côté du globe.
Pour les esprits plus portés vers les sciences exactes que sur les enquêtes policières je précise que nous venons de passer la ligne officielle de changement de date, et qu'il nous faut non seulement rembourser les douze heures que nous avons déjà grapillées au cours de notre parcours vers l'Ouest, mais en plus avancer les douze heures que nous allons encore consommer avant de regagner l'Europe. Les administrateurs du temps c'est comme les banquiers, ça veut le remboursement complet ET un dépôt de garantie. Si nous étions allés dans l'autre sens, toujours vers l'Est, nous aurions au contraire eu un jour supplémentaire, deux fois le 26 décembre. Rappelez-vous Phileas Fogg et le rebondissement final de son tour du monde en 80 jours. C'est en quelque sorte une prime à la marche vers l'Orient...
Comme nous avons passé cette ligne officielle dans l'après-midi du 24, nous aurions du être prives du 25. Mais il semblerait que le commandant ait reculé devant cette mesure sans doute impopulaire, et ait un peu triché avec les dates. Quoi qu'il en soit douze heures nous séparent maintenant de votre horaire, c'est bon de dormir dans nos couchettes moelleuses bercées par la houle quand vous vous agitez la tête en bas de l'autre côté du globe.
mercredi 24 décembre 2008
LA VIE ENTRE LES ILES
L'une des cuves de l'avant du bateau a été remplie d'huile de coprah et quand on va vers la proue cela embaume la noix de coco. Beaucoup de conteneurs sont empilés partout, mais la plupart sont vides, retour des consignes à Auckland.
Les stigmates de Noël sont apparus sur le cargo. Arbre de Noël en plastique, tout enguirlandé et tourneboulé de plastique. Vu la clientèle locale on a un peu l'impression de jouer dans "Papy et Mamie font la fête dans leur maison de retraite", sauf que, évidemment il n'y a pas la visite des arrières-petits-enfants qui de toute façon ne voudraient pas faire la bise à Mamie parce qu'elle pique, ce qui pourrirait quand même un peu l'ambiance. Le moment venu je mettrai mes tongues près des grosses cheminées des moteurs, on verra bien le résultat.
Dans le sud de la France il y a la belle tradition des treize desserts pour Noël, je frémis rien qu'en pensant que le cuistot pourrait imaginer de nous faire une farandole de treize sponges...
En ce qui concerne notre itinéraire nous allons droit vers l'Ouest pour atteindre le 27 décembre les iles Fidji pour une première escale à Savusavu. Nous passons entre les iles Tonga au Sud et Samoa au Nord. Nous flottons au-dessus de la fosse des Tonga, l'une des failles les plus profondes du plancher océanique, plus de 11.000 mètres sur la carte qui signale aussi quelques volcans sous-marins plus ou moins actifs. Si je lançais encore un livre à la mer, serait-il compacté en arrivant au fond ? Et si c'était une canette de C***-C*** (marque protégée), combien de temps mettrait-elle à être écrabouillée ? On a beau dire, les grands fonds ça suscite des questions profondes...
Les levers et couchers de soleil sont grandioses, les appareils photo cliquettent tant et plus, les gouaches et les aquarelles se réveillent.
lundi 22 décembre 2008
TAHITI DEUXIEME JOUR
Le matin réveil tranquille pour tout le monde, le bateau ne part qu'en soirée et les plans sont faits : tous les passagers vont profiter d'un Tour de l'ile offert par l'armateur, sauf moi qui me ferai poser en ville par leur bus car je préfère flâner dans les rues de Papeete, regarder les passants qui passent et prendre l'air du temps.
Sur ce, à huit heures la nouvelle tombe : le bateau a presque fini son chargement, il repart à midi, tout le monde à bord à onze heures ! Donc plus de Tour, et plus de bus. La moitié des passagers part bouder dans les cabines, l'autre tente d'aller faire un tour en ville par n'importe quel moyen, taxi (qui s'annonce mais ne vient pas), à pied (3/4 d'heure de bitume sous le cagnard) ou en stop, super, ça marche ! Visite du grand marché, rez-de-chaussée alimentaire plein de fruits, légumes et fleurs multicolores, étage réservé au textile genre paréos, robes ou chemises non moins multicolores. J'en achète une dont la couleur dominante est un joli brun-orange, un peu teinte rouille si vous voyez ce que je veux dire, vous imaginez pourquoi. Quelques cartes postales vite écrites sur un coin de genou, achat d'une grande carte du Pacifique sud pour suivre notre itinéraire, et voila déjà que l'heure est venue de rentrer. Pour un cargo la gestion du fret est prioritaire, et l'économie d'une demi-journée à quai est importante. A midi pile, Toot-Toot, salut au port par le beau son grave de notre sirène, nous partons.
Légèrement frustrant quand meme...
Notre trajet de départ nous amène a refaire un quasi tour de Moorea, mais cette fois-ci par l'extérieur. Vue saisissante de l'ensemble de ce relief grandiose, pointant ses moignons déchiquetés vers un ciel de sombres nuées.
C'est reparti pour une semaine de mer, vers les iles Fidji ou trois escales sont prévues.
Sur ce, à huit heures la nouvelle tombe : le bateau a presque fini son chargement, il repart à midi, tout le monde à bord à onze heures ! Donc plus de Tour, et plus de bus. La moitié des passagers part bouder dans les cabines, l'autre tente d'aller faire un tour en ville par n'importe quel moyen, taxi (qui s'annonce mais ne vient pas), à pied (3/4 d'heure de bitume sous le cagnard) ou en stop, super, ça marche ! Visite du grand marché, rez-de-chaussée alimentaire plein de fruits, légumes et fleurs multicolores, étage réservé au textile genre paréos, robes ou chemises non moins multicolores. J'en achète une dont la couleur dominante est un joli brun-orange, un peu teinte rouille si vous voyez ce que je veux dire, vous imaginez pourquoi. Quelques cartes postales vite écrites sur un coin de genou, achat d'une grande carte du Pacifique sud pour suivre notre itinéraire, et voila déjà que l'heure est venue de rentrer. Pour un cargo la gestion du fret est prioritaire, et l'économie d'une demi-journée à quai est importante. A midi pile, Toot-Toot, salut au port par le beau son grave de notre sirène, nous partons.
Légèrement frustrant quand meme...
Notre trajet de départ nous amène a refaire un quasi tour de Moorea, mais cette fois-ci par l'extérieur. Vue saisissante de l'ensemble de ce relief grandiose, pointant ses moignons déchiquetés vers un ciel de sombres nuées.
C'est reparti pour une semaine de mer, vers les iles Fidji ou trois escales sont prévues.
dimanche 21 décembre 2008
TAHITI - PREMIER JOUR
Arrivés tôt le matin sur les côtes de cette île tant attendue, nous avons pu voir le soleil levant l'éclairer peu à peu entre de gros nuages noirs ou gris, entourant en écharpe les sommets les plus éleves. Aussitôt le bateau à quai nous avons tous couru vers nos objectifs longuement médités. Pour ma part, réservant la visite de Papeete pour le lendemain, j'ai pris un ferry rapide pour Moorea, ile magique à une demi-heure de traversée. Puis un bus qui en fait le tour, 59 km en tout. Paysage de pics stupéfiants, couverts de végétation tropicale mais se terminant par des pointes de roche noire découpée comme de la dentelle. Tout autour un rivage de sable blanc et de cocotiers, des fleurs de tous les jaunes, oranges ou rouges imaginables.
Baignade dans un lagon d'émeraude, puis quelques kilomètres à pied sous le soleil, petit restaurant au bord de l'eau avec poisson local (le Mahimahi) en grillade et jus frais d'ananas.
Retour à Papeete par le bus puis le ferry, beaucoup de jeunes japonais aux tenues joliment extravagantes. Nombre de femmes de Tahiti ont le visage des tableaux de Gauguin, mais elles ont plus de vêtements. Des fleurs au-dessus des oreilles ou en couronne sur les cheveux. Tout le monde a l'air tranquille et sourit gentiment. Il y a une circulation monstrueuse (mais calme), les rues sont encombrées par d'énormes 4x4 rutilants, encore plus qu'à Saint-Germain-des-Pres.
La nuit est tombée, tous les magasins ferment, sauf les "roulottes", camionnettes amenagées en cuisines exotiques le long du port, tables de bois sous les palmiers et tabourets bas en plastique. Tartare de poisson cru au citron vert.
Retour au bateau, le chargement est en cours sous les projecteurs, avec des grues mobiles très modernes. Climatisation en panne. Cela ne m'empêchera pas de dormir après ce premier jour à terre depuis Dunkerque la grise.
Je n'ai pas besoin ce soir de rêver aux iles tropicales, je suis sur une ile tropicale.
samedi 20 décembre 2008
AVERTISSEMENT
Maintenant que notre cargo aborde la deuxième partie de son trajet, le passage d'île en île dans le Pacifique sud, je souhaite mettre les choses au point. Même si notre état n'est pas celui de croisiéristes de luxe, il reste quand même celui d'un voyage de plaisir, soigneusement choisi et longuement imaginé.
Les rumeurs du monde filtrent vaguement jusqu'ici, aussi pénibles et sinistres les unes que les autres. Et en plus vous avez l'hiver, pendant que l'agitation autour des vitrines de Noël aggrave votre cas. Oh je sais que les tropiques peuvent être tristes, et que les réalités sociales et politiques des micro-états de cette région du monde sont souvent terribles. Mais nous resterons à la surface des choses en voguant de paysages fantastiques en scènes merveilleuses, vers de belles images de toutes sortes...
Lectrices et lecteurs qui redouteriez le contraste, abstenez-vous désormais de lire ce récit.
C'était la dernière minute de mauvaise conscience. Demain je vous raconterai Tahiti.
mercredi 17 décembre 2008
VARIA 4
En long, en large, et en travers, toujours de l'eau...
Quelques explications complémentaires sur notre univers.
ESCALIERS - Il y a deux types de déplacements possibles sur le Tikeibank. Le premier est horizontal, il se fait sur le pont principal qui va de la proue à la poupe sur 175 mètres. Il permet de se rapprocher de l'eau et de se dégourdir les jambes. Le second est vertical, il concerne les six étages émergents du château arrière, édifice ou se trouvent tous les lieux de vie de l'équipage et des passagers. Les cabines, la passerelle et le pont supérieur sont en haut, le Dining Saloon est en bas, on passe donc son temps à monter et à descendre.
IDENTITE - De grandes précautions sont prises dans les ports pour qu'aucun intrus ne puisse monter a bord. Les jours d'escale tout le monde a sur lui une carte d'identité avec photo, toutes les portes extérieures sont blindées et ne s'ouvrent que par la saisie d'un code. Nous sommes dans une forteresse flottante.
MACHINES - Nous avons été admis à descendre au fond du bateau visiter la salle des machines. Deux énormes moteurs, un arbre d'hélice d'un mètre de diamètre, des tuyaux de toutes les couleurs et de toutes les tailles, tout cela est entassé dans un espace restreint ou le moindre recoin est encombré d'outils. Un bruit terrible et une chaleur accablante. Très impressionnant. Quand les deux moteurs tournent la consommation est de 60 tonnes par jour d'un fuel très lourd, à peine raffiné.
METEO - Bonne, toujours bonne, du moins pour l'instant. Le commandant affiche chaque jour des diagrammes complexes indiquant le sens des courants, la force des vents et les courbes de pression, mais personne n'y comprend rien, c'est tant mieux car cela autorise toutes les interprétations.
MONKEY ISLAND - "Ile au singe", nom donne au pont le plus haut du bateau, au-dessus de la passerelle dont il forme le toit, ce qui le met à une hauteur d'environ dix étages au-dessus de la mer. Clos de bastingages sur tout son périmètre, ne comprenant que peu de superstructures, ce pont est un magnifique lieu d'observation le jour pour tout ce qui peut être vu de haut ou de loin, le soir ou le matin pour les levers ou couchers de lune ou de soleil, la nuit pour les étoiles. Son nom viendrait de la découverte d'un singe sur un navire abandonné par son équipage du temps de Nelson. Refugié sur le pont supérieur l'animal arborait fièrement un costume d'amiral taillé à ses mesures, ce qui frappa l'imagination de ses sauveteurs. Ce pont est le salon extérieur des passagers, et le site du barbecue périodique réunissant équipage et passagers. Ce jour-là c'est toujours le commandant qui fait lui-même la braise, c'est son privilège de seul maître à bord après...
PROUE - Avant du bateau. Evoque inévitablement une "Figure de..." ou un jeune couple romantique dans le vent de la nuit. Mais il n'y a ni l'un ni l'autre sur ce bateau, bien que chacun des passagers ait subrepticement essayé de se glisser dans l'un ou l'autre de ces rôles. Excellent poste d'observation pour les poissons-volants ou les dauphins quand il y en a.
QUEEN (Her Majesty The...) - Ecrasée dans un lourd manteau d'apparat, couverte de bijoux impériaux, une douce jeune femme aux trois quarts tournée contemple de haut un paysage du genre Toscane du 15eme siècle. C'est la reine Elizabeth II à l'aube de son règne, au temps des dinosaures. Ce portrait en pied préside à tous nos repas dans le Dining Saloon, mais comme elle regarde au loin nous n'avons pas peur de mal découper notre poisson ou de prendre de trop grosses bouchées de nos sponges. Je me demande si dans la marine marchande française le portrait de qui-vous-savez préside aux repas dans les cargos ?
Voila, cette série de Varia prend fin sur cet auguste sujet. Nous arrivons bientôt à Tahiti, changement de décor, les îles vont entrer en scène. Ouf !
mardi 16 décembre 2008
DESAPPOINTEMENT
Mais non, ce n'est pas ce que vous pourriez croire après le coup de blues ! C'est le nom de la première terre que nous allons apercevoir aujourd'hui. En fait il s'agit d'un minuscule ilot aride, baptisé ainsi par les premiers marins qui le découvrirent alors qu'ils cherchaient Tahiti, déjà connue pour sa beauté luxuriante. Et croyez-moi, nous qui avons des cartes complètes, nous ne risquons pas d'etre désappointés par ce magnifique, ce superbe, ce tant attendu témoin de la survivance des terres émergées, nous savons bien que c'est le signe avant-coureur de bien des merveilles.
lundi 15 décembre 2008
VARIA 3
A perte de vue, encore de l'eau.
Quelques nouveaux éléments de notre vie a bord.
CORIOLIS (Effet) - Depuis que nous sommes dans l'hémisphère sud les lavabos se vident en tourbillonnant dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, c'est toujours rassurant de vérifier par soi-même un phénomène physique théorique. J'ai fait aussi l'expérience au niveau de l'équateur lui-même, l'eau passait tout droit. Je suppose que les lavabos développent dans ces voyages de graves névroses, car ils ne savent plus de quel côté se tourner.
DAUPHINS - Ils sont notre Graal à nous, il y a toujours au moins un passager que l'on peut voir ici ou là en train de scruter désespérément les flots pour en apercevoir. Mais pour voir des dauphins deux conditions doivent être simultanément remplies :
1 - Qu'il y en ait, ce qui n'est pas évident. Les connaisseurs disent que l'océan pacifique est, en dehors des iles, une mer vide, trop profonde pour que les petits poissons puissent s'alimenter sur les fonds, trop peu fournie donc pour que les gros poissons puissent manger à leur faim, car dans l'océan les gros mangent les petits...
2 - Qu'on soit au bon endroit au bon moment. Les dauphins ne font que passer, jouent un moment autour de la proue puis vont voir ailleurs.
Alors quand quelqu'un en voit, quel beau sujet de conversation, c'est encore mieux que les fuseaux horaires, ça peut tenir tout un repas ! Mais il y a longtemps que cela ne s'est pas produit.
EXPLOSIFS - Nous avons remarqué que l'un des conteneurs placé à l'avant du bateau portait des étiquettes "Danger" et "Explosifs". Renseignements pris il s'agit d'un lot de feux d'artifices en tous genres, destiné à quelque ville en mal de festivités. Je complète donc mes projets pour l'île déserte sur laquelle nous échouerons peut-être : nous pourrons y célébrer dignement les fêtes nationales des neuf pays (Ecosse, France, Grande-Bretagne, Hollande, Inde, Philippines, Russie, Suisse, Ukraine) représentés à bord. Vous remarquerez que, suite aux vives pressions exercées par notre écossais, j'ai accordé l'indépendance à son pays.
ORDINATEURS - Le bateau en est plein, sur la passerelle, dans la salle de contrôle des machines, jusque sur les appareils de la salle de gym (paraît-il). Pour l'usage des passagers une vieille bécane est dédiée à la lecture et l'écriture des mails. Ce qui est déjaà fort bien, sur beaucoup d'autres cargos chaque mail est payant et compliqué, ici c'est gratuit et ouvert en permanence.
Tout un protocole s'est assez vite mis en place autour de cette boite-aux-lettres collective. On ne lit PAS le courrier des autres, ce serait schocking. On passe d'un air détaché devant l'ordinateur quand il est occupé, même si l'on se demande ce que ces gens-la peuvent bien avoir à écrire si longuement. Et on se fait un malin plaisir de dire au voisin "No mail today" quand c'est le cas.
Bien entendu c'est le commandant qui assure la fonction de webmaster, puisqu'il est le seul maître etc...
PASSERELLE - Centre cérébral du bateau, ce lieu suprême est ouvert aux passagers, à condition qu'ils sachent y rester à leur place, c'est-à-dire se faire tout petits (surtout ne toucher à rien !). En dehors des manoeuvres dans les ports, où elle n'est pas accessible aux profanes, la passerelle offre à l'abri du vent ou de la pluie une large vision du bateau et de son environnement. Elle comporte tous les systèmes de navigation de rigueur, plusieurs radars, des super-GPS, les tableaux ou manettes de commande des machines (encore en russe). Trois officiers exercent chacun deux quarts de quatre heures à huit heures d'intervalle, toujours les mêmes. Ils ont donc leurs habitudes et nous savons qui trouver selon l'heure. Ils sont très gentils et nous aident volontiers à comprendre comment ça marche. Mais ils ont beaucoup de travail, ils reportent le point sur les cartes, et notent sur le journal de bord tout ce qui se passe.
TEMPETES - A part une petite agitation dans l'Atlantique nous n'avons eu jusqu'ici que du grand calme. Cela n'empêche pas le cargo de rouler comme un gros tonneau ivre, mais plus personne n'y fait attention et c'est même plutôt agréable. Alors les passagers commencent à émettre des avis du genre "Ce serait intéressant de voir à quoi ressemble une tempête ?". Le commandant apprécie modérément, pour lui une tempête c'est du retard et rien que des complications. On ne peut pas compter sur lui pour courir sus aux gros bouchons noirs qui ferment parfois l'horizon.
TRANSATS - Ce n'est qu'au milieu du Pacifique qu'on a sorti les transatlantiques. Y a t-il eu une vie avant les grands paquebots pour ce genre de chaise longue destinée à favoriser en mer les somnolences post-prandiales des riches oisifs ?
samedi 13 décembre 2008
COUP DE BLUES
Qui a dit que l'ennui est la rouille de l'âme des passagers d'un cargo ? Comme l'autre cette rouille-la envahit maintenant notre petit univers, quelle peinture nous l'enlèvera ? Les passagers étant tous ici des adultes consentants, ils délèguent dans les coursives des zombies leur ressemblant et se livrant à leur place aux quelques activités disponibles (notamment les repas) avec l'entrain qui caractérise les zombies. Mais en réalité ils gisent sur leurs couchettes dans un état de torpeur confuse, ne sachant que balbutier continuellement entre leurs lèvres serrées ; "C'est quand qu'on arrive ?".
VARIA 2
Rien que de l'eau tout autour...
Voici quelques nouveaux détails, avec les explications circonstanciées réclamées par certains lecteurs, sur la vie à bord.
AQUARELLE - Forme délicate de peinture (voir ce mot) réservée aux fines mimines des artistes passagers, rien a voir avec les rudes travaux dévolus aux grosses pognes calleuses des Cadets (voir ce mot). Mais pour l'instant les motifs propres à cet art gracieux ont été plutôt rares, et les nombreuses boîtes sont restées dans les valises.
COMMANDANT - Comme chacun sait, il est le maître à bord après... Après qui ou quoi d'ailleurs ? Quand on éternue les anglais ne disent plus "God bless you" mais "Bless you" tout court. On ne sait pas qui vous bless, mais c'est sans doute politiquement plus correct. Alors je repose la question : sur un bateau britannique, après qui le Commandant peut-il bien être le seul maître a bord ? Toutes les candidatures sérieuses seront examinées, plaisantins s'abstenir.
HORAIRES - S'il s'agit de ceux des repas, alors une seule voix angoissée va s'élever : pas touche ! Uniques repères dans des journées un peu floues, ces horaires sont intrinsèquement nos pendules, nos compas, nos boussoles ! Mais s'il s'agit des fuseaux c'est plus compliqué. A peu près tous les quelques jours environ une voix sépulcrale sort d'un haut-parleur dans la salle a manger ("Dining Saloon" en dialecte local) pendant le déjeuner et nous enjoint de retarder nos montres d'une heure. A tous les coups on la gagne, cette heure supplémentaire, nous en sommes déjà à neuf (bon sujet de conversation, ce décompte, il tient bien la moitié du repas). Comme on n'a rien sans rien (proverbe de la marine russe) je crains que tous ces bonus d'une heure finissent un jour par un gros malus, je le dis tout bas mais n'anticipons pas...
NOUVELLES DU MONDE - Il n'y en a pas beaucoup par ici...Elles sont exclusivement fournies à bord par une sorte de journal quotidien de dix pages intitulé "Britain Today". Cette feuille de chou justifie parfaitement son nom par l'intérêt exclusif qu'elle porte dans l'ordre décroissant aux sportifs (anglais), aux vedettes de la télévision (anglaise), à la politique (britannique), et parfois à autre chose survenu quelque part dans le monde s'il reste de la place et uniquement si le public anglais peut s'y intéresser.
PEINTURE - Antonyme de rouille (voir ce mot). Substance qui a tendance a se répandre sur le trajet des Cadets (voir ce mot), mais qui disparait presque aussitôt car chaque centimètre de rouille absorbe le double de peinture. Caractéristique de la peinture employée sur notre bateau : ne sèche pas, de façon à mieux se diluer dans la rouille. (PS : Quelqu'un connaitrait-il un truc simple contre les taches de peinture ?).
ROND-DE-SERVIETTE - Pièce métallique évidée, marquée au prénom de chaque passager, destinée à recevoir une serviette de table. Le rond-de-serviette, dont la découverte est un peu surprenante au premier abord sur un cargo, est en fait un instrument essentiel de la civilisation a bord. Il permet entre autres, et pour ne prendre qu'un exemple tout a fait évident, de répondre à l'angoissante question "Qui suis-je" qui foudroie tôt ou tard le passager le plus endurci. Il suffit dans ce cas d'arriver le dernier au "Dining Saloon", on peut alors s'auto-identifier grâce au seul rond-de-serviette qui reste. Pour les autres usages en mer de ce précieux outil voir l'article très complet qui lui est consacré dans l'Encyclopedia Maritima Victoriensis (107eme édition, Liverpool 2005, Tome XXVI, pp 342 a 370). On consultera aussi avec profit le chapitre "Comment se comporter convenablement à la table d'un Amiral" de l'admirable ouvrage "Guide universel du savoir-Vivre" de la Baronne Staffe (Bruxelles 1892).
ROUILLE - Antonyme de peinture (voir ce mot). Etat naturel du métal sur certains navires. En anglais : rust. Etre rouillé : to be rusty. "My ship is rusty" se traduit par "Mon bateau est rustique". La rouille devrait en principe pouvoir être combattue par de la peinture, mais le constat s'impose que notre cargo ne connait pas ce principe. Proverbe de la marine ukrainienne : "Il n'est pas nécessaire d'esperer pour derouiller, ni d'attendre pour peindre, de toute façon il faudra recommencer". (PS : Quelqu'un connaitrait-il un truc simple contre les taches de rouille ?).
jeudi 11 décembre 2008
VARIA 1
Que d'eau, que d'eau ! En attendant la prochaine terre (on finirait par douter de son existence) pour la première escale à Tahiti, je vais tenter de préciser certains détails, ou répondre à quelques questions.
BESTIOLES - Nous sommes constamment accompagnés par trois oiseaux de mer qui ne sont qu'un énorme bec bleu suivi de ce qui fait l'ordinaire d'un volatile : ailes, plumes, pattes, etc... Dans l'eau pas grand chose sinon des poissons-volants, c'est peut-être la faute des trois gloutons ailés qui scrutent les vagues d'un oeil vorace. Il y a quand même eu en baie de Panama trois dauphins qui sont venus brièvement tournicoter sous notre proue.
CADETS - Ils dérouillent et peignent toute la journée, s'ils ne trouvent pas de boulot dans la marine ils pourront toujours faire peintre en bâtiment.
DINOSAURES - A ma connaissance il reste un survivant, notre cargo.
JEUX DE SOCIETE - Certaines caractéristiques nationales ou personnelles ont commencé à se préciser. Les anglais lisent des récits de voyage et font des puzzles, les français lisent des romans et font du scrabble. Une coalition helvéto-hollandaise s'est formée pour écluser force bières le soir puis les exsuder férocement le lendemain en salle de gym (voir ce mot). Notre écossais nous régale d'un remarquable festival de profonds soupirs.
REPAS - Nous explorons au dessert le catalogue complet des "Sponge" (gâteau particulièrement moelleux, comme son nom l'indique). Après le "Sponge Victoria" nous avons eu le "Sponge Sultana" puis le "Chocolate Sponge". Et pour le petit déjeuner du dimanche nous avons droit a du "Black pudding" qui est une sorte d'épais boudin noir bourré de cannelle. C'est incroyable de constater combien, en une vie déjà longue où les plaisirs de la table n'ont pas été ignorés, on a pu passer à côté de pures merveilles !
SALLE DE GYM - Elle existe, je l'ai rencontrée une fois au cours de la visite initiale. Elle est très moche, tout au fond du bateau et sans hublot. Comme quoi il y a quand même une justice...
ZZZ - On dort plutôt plus à bord qu'à terre. Effet du désoeuvrement pour les uns, du doux balancement régulier pour les autres, allez savoir ?
A suivre...
mercredi 10 décembre 2008
LECTURE DECALEE, FORCEMENT DECALEE
Côté lectures j'en mélange plusieurs en ce moment, la persévérance ne convient pas à l'état vague des pensées sur cet immense océan. Parmi celles-ci il y a "Rome, Tome I, Grandeur et déclin de la République", par Marcel le Glay. Celui-là ne finira pas à la mer, pour sûr ! Il est passionnant et je ne résiste pas au plaisir de vous en offrir un passage. Le moment est celui ou Rome, encore en République vers le milieu du 2ème siècle avant JC, doit affronter une grave crise morale et politique, certains tribuns voulant s'appuyer sur la plèbe pour accroître leur pouvoir et leur fortune. Extrait : "On a vu naître alors, en cette fin de la République, un type d'éloquence propre à séduire les foules, une éloquence du pathétique, faite de véhémence et d'agressivité oratoire, mais qui sait également, quand il est opportun, faire appel à l'émotion populaire".
Ils étaient vraiment fous, ces romains, non ? Cent ans plus tard c'en était fait de la République romaine, ils étaient partis pour plusieurs siècles d'empereurs divers.
Ils étaient vraiment fous, ces romains, non ? Cent ans plus tard c'en était fait de la République romaine, ils étaient partis pour plusieurs siècles d'empereurs divers.
mardi 9 décembre 2008
RECTIFICATIF...
Dernière minute ! Finalement il y a bien eu une fête pour le passage de la ligne, le secret avait été bien gardé et nous n'avons été prévenus qu'un quart d'heure avant l'évènement (pas de risque de ne pas trouver les passagers, à vrai dire).
Cette fête a été conforme aux canons du genre, Neptune et son trident, son épouse extravagante (personne n'a su retrouver si dans la mythologie Neptune, ou Poseidon, était nanti d'une épouse, et si oui quel était son nom), le jet d'eau de mer, diverses décoctions peu ragoutantes, un oeuf cassé sur la tête, et pour finir un beau certificat en anglais ancien qui nous donne le droit de naviguer sur les sept mers du monde.
Finalement le folklore n'est pas mort, il bouge encore...
lundi 8 décembre 2008
OFFRANDE PROPITIATOIRE
Cette nuit nous avons franchi l'équateur pour arriver dans l'hémisphère sud. Il semble que nous n'ayons pas droit au rituel de circonstance, commandant déguisé en Neptune, baptême des petits nouveaux au jet d'eau, tricheurs roulés dans le goudron et la plume, et toute cette sorte de choses... Ainsi passe le folklore.
De toutes facons je m'étais concocté ma propre cérémonie, et je l'ai accomplià peine la ligne franchie. En signe d'alliance avec la mer j'ai lancé dans les vagues devinez quoi ? Non, pas un anneau nuptial comme à Venise (Ca va pas la tête, d'abord je n'en ai qu'un et j'y tiens, et puis je ne suis pas le Doge), mais un livre, oui vous avez bien lu, un livre évidemment ! Il s'agit de "Euspongia Lisbonensis" (ISBN 978284098047), très mauvais roman d'espionnage trouvé a bord (je compenserai par une bon John Le Carré) qui a pour seul mérite de parler du sous-sol océanique du Pacifique. J'ai pensé que les occupants des fonds marins, les poulpes par exemple, y seraient sensibles. Au demeurant les autres livres bien plus intéressants que j'ai ici ne sont pas encore lus ou pas terminés, alors je les garde... La question soumise aà la reflexion des lecteurs de ce blog est alors la suivante : considérant que cet ouvrage a 352 pages, en format 150 x 232 x 25, qu'il a été imprimé en mai 1998 sur Cameron par Brodard et Taupin à La Fleche, que le lieu de l'offrande se situe à une latitude de 00 degres 00'00'' (forcément, c'est l'équateur, faut vraiment tout vous dire) par une longitude de 99 degrés 50'87'' ouest, que la profondeur à cet endroit est de 3261 mètres, que le courant de Humboldt nous porte en surface vers l'ouest à la vitesse de 1,5 noeuds mais que les courants sous-marins ne me sont pas connus, considérant donc tout cela la question est : combien de temps cet ouvrage mettra-t'il a être remis au sol à ses destinataires les poulpes (le problème du delai de transport est crucial pour le livre) et à quelle distance du point de remise au transporteur sera-t'il déposé ? Quant à son état au déballage, s'il y a des réclamations, voyez les organismes interprofessionnels compétents, CLIL, CNL, SLF, SNE, ETC...
Ainsi se fit cet acte propitiatoire (je ne suis pas certain que cet adjectif soit parfaitement adapté à la situation mais je trouve qu'il fait bien dans le tableau et il n'y a pas de dictionnaire à bord). Cette alliance pacifique du livre et de l'océan en ce point symbolique aura été mon cordial hommage, en forme de clin d'oeil amical, aux professionnels du livre à qui je dois ce voyage.
De toutes facons je m'étais concocté ma propre cérémonie, et je l'ai accomplià peine la ligne franchie. En signe d'alliance avec la mer j'ai lancé dans les vagues devinez quoi ? Non, pas un anneau nuptial comme à Venise (Ca va pas la tête, d'abord je n'en ai qu'un et j'y tiens, et puis je ne suis pas le Doge), mais un livre, oui vous avez bien lu, un livre évidemment ! Il s'agit de "Euspongia Lisbonensis" (ISBN 978284098047), très mauvais roman d'espionnage trouvé a bord (je compenserai par une bon John Le Carré) qui a pour seul mérite de parler du sous-sol océanique du Pacifique. J'ai pensé que les occupants des fonds marins, les poulpes par exemple, y seraient sensibles. Au demeurant les autres livres bien plus intéressants que j'ai ici ne sont pas encore lus ou pas terminés, alors je les garde... La question soumise aà la reflexion des lecteurs de ce blog est alors la suivante : considérant que cet ouvrage a 352 pages, en format 150 x 232 x 25, qu'il a été imprimé en mai 1998 sur Cameron par Brodard et Taupin à La Fleche, que le lieu de l'offrande se situe à une latitude de 00 degres 00'00'' (forcément, c'est l'équateur, faut vraiment tout vous dire) par une longitude de 99 degrés 50'87'' ouest, que la profondeur à cet endroit est de 3261 mètres, que le courant de Humboldt nous porte en surface vers l'ouest à la vitesse de 1,5 noeuds mais que les courants sous-marins ne me sont pas connus, considérant donc tout cela la question est : combien de temps cet ouvrage mettra-t'il a être remis au sol à ses destinataires les poulpes (le problème du delai de transport est crucial pour le livre) et à quelle distance du point de remise au transporteur sera-t'il déposé ? Quant à son état au déballage, s'il y a des réclamations, voyez les organismes interprofessionnels compétents, CLIL, CNL, SLF, SNE, ETC...
Ainsi se fit cet acte propitiatoire (je ne suis pas certain que cet adjectif soit parfaitement adapté à la situation mais je trouve qu'il fait bien dans le tableau et il n'y a pas de dictionnaire à bord). Cette alliance pacifique du livre et de l'océan en ce point symbolique aura été mon cordial hommage, en forme de clin d'oeil amical, aux professionnels du livre à qui je dois ce voyage.
dimanche 7 décembre 2008
DARWIN : GRAND HOMME ET PETITE ILE
Aujourd'hui nous passons au nord des Galapagos, juste un peu trop loin pour les apercevoir. C'est ici que le grand Charles Darwin a fait une partie, décisive, des géniales observations qui l'ont conduit à publier en 1859 "De l'origine des espèces". Les Galapagos y sont citées 16 fois, notamment du fait des 21 espèces d'oiseaux qu'on ne trouve nulle part ailleurs que dans ces îles (c'est-y pas précis, tout ça, ce n'est pas parce qu'on est au milieu de nulle part qu'on aurait le droit d'écrire n'importe quoi !). Résultat des courses, le nom de Darwin n'a été attribué dans cet archipel qu'au plus minuscule des îlots rocheux... Ecoeurant, vraiment le service minimum.
Les cartes de la passerelle portent dans cette région plusieurs notations du type " Attention, anomalies magnétiques". Est-ce que c'est grave, Professeur Didier, est-ce que ça peut faire mal à la terre ou aux bateaux ?
Les cartes de la passerelle portent dans cette région plusieurs notations du type " Attention, anomalies magnétiques". Est-ce que c'est grave, Professeur Didier, est-ce que ça peut faire mal à la terre ou aux bateaux ?
samedi 6 décembre 2008
AVENTURE, VOUS AVEZ DIT AVENTURE ?
Eh bien non, ce n'est pas ici "Stupeur et tremblement" tous les jours. Ni même certains jours. Ni même jamais. C'est plutôt "Patience et longueur de temps". Nous pourrions trouver chaque matin, glissé sous notre porte, un questionnaire du genre suivant : "Aujourd'hui que prévoyez-vous de faire ? Rien, rien du tout, ou absolument rien ? Rayez les mentions inutiles".
Pour ce voyage il ne s'agit en aucun cas d'une aventure, c'est ni plus ni moins un très long voyage en cargo, le plus long je crois de ceux que l'on peut trouver. Mais rien à voir avec ce que des esprits plus délurés ou des corps plus déliés peuvent entreprendre sur terre, sur mer ou dans les airs. Nos 140 jours se partageront en trois grandes parties : un premier mois sans escale (nous en sommes à la moitié), environ deux mois et demi de vagabondages autour des îles du Pacifique sud avec une quinzaine d'escales, un dernier mois pour le retour, sans escale lui non plus.
Une fois ceci connu, et tant pis pour ceux qui s'en trouvent accablés, quel plaisir d'y être ! Ce n'est pas une prison, ce n'est pas monacal non plus, l'intendance est parfaite. Mais c'est quand même un lieu ou la distraction ne peut venir que de soi-même, si peu d'occupations étant offertes. La terre aura l'obligeance de pivoter sur elle-même aussi longtemps qu'il le faudra pour que nous en fassions le tour, et peut-être le tour de nous-même ? Cela ne peut se déguster que lentement, très lentement. Nul ne peut exclure que cela tourne pour lui-même à "Enfer et damnation" ou, en termes plus intimes et modernes à "Stress et déprime". Quelques traces en flottent déjà dans les cabines ou les coursives.
Wait and see...
jeudi 4 décembre 2008
EN PASSANT PAR LE CANAL
Eh bien voilà, c'est fait, nous avons franchi ce fameux canal. Presque entièrement de nuit, et en huit heures seulement le trafic étant fort réduit.
D'abord... des écluses ouvertes en 1913, au nombre de six, formidables monuments de pierre, de béton et d'acier. Avec tout un réseau ferré latéral sur lequel circulent de petites locos de traction qui assurent la régularité de la trajectoire des bateaux (pour plus de détails techniques voir vos encyclopédies habituelles, je m'en tiendrai ici au subjectif). Chaque écluse est brillamment éclairée, il y a des feux de toutes les couleurs, un vrai festival.
Entre les écluses, des lacs, puis un passage assez étroit qui serpente à travers des collines encore couvertes de forêt vierge. On entend plein de grenouilles sur les berges (je vous laisse imaginer les bonnes plaisanteries anglo-françaises sur ce sujet fédérateur), et parfois d'autres cris d'animaux indéterminés.
Le ciel est nuageux, éclairé par les projecteurs des énormes travaux qui se mènent jour et nuit. Et puis il y a des orages un peu partout autour de nous, grâce aux éclairs on peut voir les collines en contrejour.
A la sortie on aperçoit de loin et dans la bruine la ville de Panama, avec un grand quartier d'immeubles très hauts auprès desquels ceux de la Défense feraient figure de jardin d'enfants.
Quelle extraordinaire réalisation du génie de l'Homme !
Un seul mot pour résumer ce passage : magique.
Une anecdote pour finir : le tarif très élevé du passage est calculé en fonction de la masse d'eau déplacée par chaque navire l'effectuant. Or en 1928 un quidam a décidé de tenter le trajet à la nage, il a réussi en dix jours. A l'arrivée les autorités du canal lui ont présenté une facture de 0,86 dollars.
D'abord... des écluses ouvertes en 1913, au nombre de six, formidables monuments de pierre, de béton et d'acier. Avec tout un réseau ferré latéral sur lequel circulent de petites locos de traction qui assurent la régularité de la trajectoire des bateaux (pour plus de détails techniques voir vos encyclopédies habituelles, je m'en tiendrai ici au subjectif). Chaque écluse est brillamment éclairée, il y a des feux de toutes les couleurs, un vrai festival.
Entre les écluses, des lacs, puis un passage assez étroit qui serpente à travers des collines encore couvertes de forêt vierge. On entend plein de grenouilles sur les berges (je vous laisse imaginer les bonnes plaisanteries anglo-françaises sur ce sujet fédérateur), et parfois d'autres cris d'animaux indéterminés.
Le ciel est nuageux, éclairé par les projecteurs des énormes travaux qui se mènent jour et nuit. Et puis il y a des orages un peu partout autour de nous, grâce aux éclairs on peut voir les collines en contrejour.
A la sortie on aperçoit de loin et dans la bruine la ville de Panama, avec un grand quartier d'immeubles très hauts auprès desquels ceux de la Défense feraient figure de jardin d'enfants.
Quelle extraordinaire réalisation du génie de l'Homme !
Un seul mot pour résumer ce passage : magique.
Une anecdote pour finir : le tarif très élevé du passage est calculé en fonction de la masse d'eau déplacée par chaque navire l'effectuant. Or en 1928 un quidam a décidé de tenter le trajet à la nage, il a réussi en dix jours. A l'arrivée les autorités du canal lui ont présenté une facture de 0,86 dollars.
mercredi 3 décembre 2008
ENTREE DU CANAL DE PANAMA
Nous avons jeté l'ancre ! Nous sommes dans le port de Cristobal, grande baie protégée par des digues, antichambre du canal proprement dit. Une cinquantaine de bateaux, tous plus ou moins énormes et plus ou moins moches, les porte-conteneurs surtout, sont également en attente. Il y a aussi un très beau yacht, le Faucon Maltais basé a Monaco, l'un des plus luxueux et plus grands du monde (88 mètres, la moitié de notre cargo) qui va vers Tahiti. J'imagine qu'il pourrait être écrabouillé entre deux gros tankers qui ne s'en apercevraient même pas. Il semblerait que nous en ayons pour la journée à attendre notre tour de passer, de nuit sans doute. Mais comme c'est l'un des clous de notre périple, nul n'entend s'en abstraire, les cafetières vont ronfler. Le temps est variable, nuageux et lourd, très humide et bien chaud.
Il faut ajouter que sur ce canal je me sens un peu chez moi. Beaucoup de français, dont une partie de ma famille, avaient consacré à la fin du 19ème siècle une bonne part de leurs économies à la judicieuse acquisition (largement influencée par l'Etat et une presse corrompue) d'actions Panama. Mais comme ils étaient prudents et malins, du genre on-ne-nous-la-fait-pas, ils n'avaient pas tout placé dans ces actions, oh non, le reste avait été investi en emprunts russes. Un coup à l'ouest, et un coup a l'est... Alors plouf et replouf ! J'estime donc qu'une partie (certes infinitésimale) de cet ouvrage prodigieux fait partie de mon patrimoine.
mardi 2 décembre 2008
LE CANAL ! LE CANAL !
Après une quinzaine de jours en pleine mer, à peine marqués par la vision lointaine de quelques îlots confettis, nous avons tous hâte d'arriver au canal de Panama, même si nous savons que nous n'y débarquerons pas. Ce sera pour demain seulement, on ne parle que de cela à bord, échangeant les derniers tuyaux sur les horaires du passage, comme des collégiens impatients attendant l'annonce du début des vacances. Chacun(e) a sa propre hypothèse, et tout reste flou. Les plus audacieux vont sur la passerelle à la pêche aux infos, allant jusqu'à calculer eux-mêmes à l'aide d'un compas ce qu'il reste de route. Mais leurs précisions ne font qu'ajouter a la confusion. C'est très bien ainsi, ce voyage ne saurait relever de la science exacte...
Le bateau a mis ses deux moteurs en marche, alors que d'habitude il n'en n'utilise qu'un pour des raisons d'économie. Il ne faudrait pas rater le rendez-vous, le passage est très cher et tant pis pour les retardataires, ils doivent refaire la queue pendant plusieurs jours parfois. Alors un cycle de vibration générale du bateau s'est mis en place, que nous n'avions pas ressenti jusqu'ici. Et lorsque l'on passe près des cheminées, vers l'arrière, on entend et on ressent bien une sorte de halètement tres fort, un grave souffle périodique. On dirait celui d'un énorme vieux chien épuisé, mais bien décidé à faire encore ce qu'on attend de lui.
Le bateau a mis ses deux moteurs en marche, alors que d'habitude il n'en n'utilise qu'un pour des raisons d'économie. Il ne faudrait pas rater le rendez-vous, le passage est très cher et tant pis pour les retardataires, ils doivent refaire la queue pendant plusieurs jours parfois. Alors un cycle de vibration générale du bateau s'est mis en place, que nous n'avions pas ressenti jusqu'ici. Et lorsque l'on passe près des cheminées, vers l'arrière, on entend et on ressent bien une sorte de halètement tres fort, un grave souffle périodique. On dirait celui d'un énorme vieux chien épuisé, mais bien décidé à faire encore ce qu'on attend de lui.
lundi 1 décembre 2008
GLISSEMENT DES PLAQUES
Nous voici dans les Caraïbes. Mer d'huile, beaux couchers de soleil et voûte étoilée bien claire, mais pas plus qu'à Anduze pour l'instant !
J'en ai profité pour lire l'île au trésor de Stevenson, qui manquait à mon bagage, bon, j'aurais mieux fait de le lire à l'âge de quinze ans...
Maintenant, Cher Didier, je regarde les cartes qui indiquent la profondeur du plancher : entre 4.000 et 5.000 mètres, pas mal. Je pense à tous les escudos qui doivent dormir par là, j'ai bien imaginé de laisser trainer une ficelle avec un aimant derrière le bateau, mais je n'ai pas de ficelle assez longue. Ni d'aimant non plus, d'ailleurs.
Nous avons croisé un beau grand bateau de croisière, vu la région je suppose qu'il comporte un certain nombre de tables de jeux. Et pendant que nous le regardions passer nous avons supposé qu'il y avait de son côté plusieurs centaines de touristes qui s'extasiaient sur la vision si pittoresque de notre vieux petit cargo bien décati. Avant de vite retourner faire glisser leurs plaques sur les tables vertes.
J'en ai profité pour lire l'île au trésor de Stevenson, qui manquait à mon bagage, bon, j'aurais mieux fait de le lire à l'âge de quinze ans...
Maintenant, Cher Didier, je regarde les cartes qui indiquent la profondeur du plancher : entre 4.000 et 5.000 mètres, pas mal. Je pense à tous les escudos qui doivent dormir par là, j'ai bien imaginé de laisser trainer une ficelle avec un aimant derrière le bateau, mais je n'ai pas de ficelle assez longue. Ni d'aimant non plus, d'ailleurs.
Nous avons croisé un beau grand bateau de croisière, vu la région je suppose qu'il comporte un certain nombre de tables de jeux. Et pendant que nous le regardions passer nous avons supposé qu'il y avait de son côté plusieurs centaines de touristes qui s'extasiaient sur la vision si pittoresque de notre vieux petit cargo bien décati. Avant de vite retourner faire glisser leurs plaques sur les tables vertes.
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